Indemnités journalières, médicaments, actes de biologie, dispositifs médicaux, honoraires des médecins et des kinés, transports sanitaires et dépenses des établissements de santé ont fait exploser l’Objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam). Face à cette hémorragie financière, la Sécurité sociale va être soumise à un régime drastique.
Illustration – Image Pixabay
Par Jean-Paul Briand.
Le déficit de l’assurance maladie, déjà estimé à 16 milliards d’euros pour 2025, pourrait atteindre 41 milliards en 2030 si aucune mesure corrective n’est prise. Un chiffre qui alerte les pouvoirs publics et impose des décisions immédiates. Le 18 juin dernier, le Comité d’alerte sur l’évolution des dépenses d’assurance maladie a appelé au « respect de l’objectif national de dépenses ». Les ministres Catherine Vautrin (Travail, Santé, Solidarités, Familles) et Amélie de Montchalin (Comptes publics) ont annoncé un plan de redressement de 1,7 milliard d’euros avant la fin 2025.
Parmi les premières mesures : les revalorisations tarifaires conventionnelles prévues au 1er juillet 2025 pour certaines spécialités médicales sont reportées autoritairement de six mois. Les chauffeurs de taxi-ambulance, les hôpitaux n’auront probablement pas les rallonges financières espérées. Mais ces économies ne suffiront pas. Il faudra aller plus loin pour éviter un effondrement du système.
Les recettes du directeur de la CNAM
Thomas Fatôme, directeur général de la Caisse nationale d’Assurance maladie (CNAM), mise sur une réforme en profondeur. Son rapport propose 60 mesures pour économiser 3,9 milliards d’euros en 2026 et 25 milliards d’ici 2030. Régime sec pour tous. Thomas Fatôme insiste sur trois axes majeurs :
- Faire de la prévention un levier pour freiner la progression des maladies chroniques.
- Repenser l’organisation des soins en privilégiant des parcours coordonnés.
- Instaurer une politique du « juste soin au juste coût » pour un système plus équitable et soutenable.
Il propose :
1. Réformer les affections de longue durée (ALD). Les ALD, qui concernent des maladies chroniques comme le diabète ou le cancer, représentent un coût colossal : 9 560 € par patient et par an, contre 1 230 € pour les autres assurés. Parmi les pistes :
- Sortie du système ALD pour les patients en rémission d’un cancer.
- Durée limitée des arrêts maladie : un mois après une hospitalisation, 15 jours en ville.
2. Mettre les complémentaires santé à contribution : Les mutuelles et assurances privées pourraient être sollicitées davantage pour soulager la Sécu, tout en garantissant l’accès aux soins pour tous.
3. Renforcer la lutte contre la fraude et optimiser les remboursements :
- Contrôles accrus sur les arrêts de travail. 500 médecins dont le nombre d’arrêts de travail est élevé seront inspectés dès cet été.
- Baisse autoritaire des tarifs des professions médicales à forte rentabilité (anatomopathologie, biologie, audioprothésistes, dialyse, médecine nucléaire, radiologie, radiothérapie).
4. Rationaliser les dépenses pharmaceutiques : La facture des médicaments s’envole, alors que certains traitements sans service médical rendu (SMR) significatif restent remboursés. La fixation du prix du médicament est un mécanisme particulièrement complexe et opaque qui repose sur un jeu de négociations mené par les industriels, le Comité économique des produits de santé et le ministère de la Santé. Les sommes en jeu sont énormes et peu de personnes connaissent réellement le coût exact d’un médicament. Un accord avec l’industrie pharmaceutique, censé générer 700 millions d’économies, tarde à se concrétiser. L’industrie pharmaceutique est maîtresse du jeu. Quand elle n’obtient pas les prix qu’elle souhaite, la France n’est plus prioritaire pour les livraisons…
Des réformes plus radicales à venir ?
La France est le 3ᵉ pays à consacrer la plus importante part de sa richesse à la santé. Avec près de 12% du PIB qu’elle y consacre, alors que la moyenne de l’UE se situant à 10,4%, la France est l’un des pays les plus généreux en la matière. Mais cette générosité a un coût. Pour éviter la faillite, il faudra trouver un équilibre entre maîtrise des dépenses et accès aux soins, sans sacrifier la qualité, ni laisser les plus démunis en dehors du système. Toutes ces mesures proposées suffiront-elles, ou préparent-elles les esprits à des réformes plus radicales à venir ?
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