Après la nouvelle condamnation pénale de Nicolas Sarkozy, le naufrage d’une partie de la presse et de la classe politique qui préfère servir le récit victimaire de l’ancien président devient patent. Très inquiétant pour notre État de droit et pour notre système judiciaire qui manque cruellement de moyens, survivant grâce au travail colossal des personnels de justice qui affrontent pourtant des torrents d’accusations délirantes.
Nicolas Sarkozy prononçant un discours sur l’avenir des territoires ruraux, dans le département de Loir-et-Cher (2010). cl Richard Pichet (Wikipédia)
Par Joséphine.
L’affaire Kadhafi
Sarkozy a été condamné à 5 ans de prison pour un délit d’association de malfaiteurs, délit caractérisé par une démonstration de 400 pages rédigée par des magistrats chevronnés d’un pôle spécialisé.
Sarkozy a utilisé deux de ses plus proches collaborateurs – Brice Hortefeux et Claude Guéant – pour rentrer en contact avec le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi par l’intermédiaire du directeur de cabinet du dictateur, tout en ayant évalué la possibilité d’aider un proche de Kadhafi, un terroriste avec du sang sur les mains. Il est également question de fortes sommes d’argent liquide, intraçables.
Sarkozy a usé des meilleurs avocats, a fait traîner la procédure en contestant tous les actes, il a même accusé Mediapart d’utiliser un faux document, document reconnu valable par les trois degrés de l’ordre judiciaire après des années de procès sur ce point précis.
Sarkozy a déjà été condamné pour corruption et trafic d’influence dans une affaire où il a promis un joli poste à un magistrat haut placé en échange d’informations. Sarkozy a été également condamné pour le financement illégal de sa campagne électorale de 2012.
Sarkozy-the-kid
Sarkozy est issu du clan des Hauts-de-Seine, ses mentors et premiers amis politiques ont été condamnés – Charles Pasqua pour faux, financement illégal de campagne et abus de confiance ; Patrick Balkany pour fraude fiscale et blanchiment aggravé -.
Sarkozy a été un très proche d’Édouard Balladur quand ce dernier était à Matignon (1993-1995), il en a même été son ministre du Budget. Parallèlement, Sarkozy a aussi été un soutien central pour la candidature Balladur à la présidentielle de 1995. Ce sont d’ailleurs quelques-uns de ces proches d’Édouard Balladur qui ont été condamnés dans l’affaire dite “Karachi” pour des abus de biens sociaux liés à des commissions occultes payées lors d’une vente d’armes au Pakistan, et dont certaines sommes auraient servi à financer la campagne de Balladur à la présidentielle. Parmi ces proches de l’époque, l’intermédiaire Ziad Takieddine et aussi Thierry Gaubert, un membre du cabinet ministériel de Sarkozy au budget. Deux hommes que l’on retrouve cités dans l’affaire Kadhafi.
Sarkozy, l’homme de la “réconciliation des droites” après la Guerre Chirac-Balladur, a été choisi comme ministre par Jacques Chirac en 2004. Jacques Chirac, de son côté condamné dans l’affaire dite des emplois fictifs de la mairie de Paris pour détournements de fonds et abus de confiance et dont le premier ministre Alain Juppé a été condamné pour prise illégale d’intérêts dans la même affaire, tout ceci alors que les deux hommes dirigeaient la ville de Paris et le RPR, en vue de la fratricide présidentielle de 1995.
Le clan Sarkozy
Sarkozy dont le premier ministre de 2007 à 2012, François Fillon a été condamné pour détournement et recel de fonds publics, recel d’abus de bien social, manquements aux obligations de déclaration à la HATVP.
Sarkozy dont certains très proches ont été condamnés, notamment ceux liés à l’affaire Kadhafi. Claude Guéant a été condamné plusieurs fois pour des détournements de fonds publics – marchés truqués des sondages de l’Élysée et appropriation de cash destiné aux primes au ministère de l’Intérieur – et a été redressé par le fisc pour des cadeaux reçus non déclarés (montres de luxe, or…). Brice Hortefeux, lui, a été déjà condamné pour des détournements de fonds publics. Thierry Gaubert, ami et collaborateur de Sarkozy, l’homme de l’affaire Karachi, était également concerné par l’affaire Kadhafi. Il a du reste été condamné précédemment pour fraude fiscale et blanchiment.
Sarkozy est condamné à une exécution provisoire de sa peine – c’est la norme pour les peines aussi lourdes – alors que c’est sous sa présidence et avec l’appui de Rachida Dati, alors ministre de la Justice, que cette exécution provisoire a été généralisée par une loi. Rachida Dati étant par ailleurs renvoyée bientôt devant un tribunal pour corruption et trafic d’influence passifs par personne investie d’un mandat électif public au sein d’une organisation internationale et recel d’abus de pouvoir et d’abus de confiance.
Le plan média qui fleure bon Berlusconi
Sarkozy qui a pu jouir, à juste titre, de l’état de droit et des grands principes de la justice, certains chefs d’inculpation lors de son procès n’étant pas assez caractérisés par des preuves, le bénéfice du doute lui a donc été pleinement appliqué.
Sarkozy qui geint et martèle sa communication de défense depuis quelques jours sur tous les médias au sujet des « magistrats rouges », de la « république des juges », de sa « condamnation sur la base d’un faux document de Mediapart » et que « c’est l’État de droit qu’on assassine ». Jérémiades extrêmement dangereuses pour la démocratie et le véritable État de droit qui sont proférées sur les chaînes du groupe TF1 de Martin Bouygues, témoin de mariage de Sarkozy et parrain d’un de ses fils ; sur les médias de Bolloré (Europe 1, CNews, JDD), richissime homme d’affaires d’extrême droite, lui-même condamné dans des affaires de corruption en Afrique et qui avait prêté son yacht à Sarkozy pour qu’il se repose après sa victoire à la présidentielle de 2007 ; sur les médias Lagardère, homme d’affaires que Sarkozy appelle « mon frère » et qui est mis en examen pour diffusion d’informations fausses ou trompeuses, achat de vote, abus de biens sociaux et abus de pouvoir, et non-dépôt de comptes ; sur les médias de Bernard Arnault, lui aussi témoin de mariage de Sarkozy et plusieurs fois mis en cause par la justice (espionnage, entrée dissimulée dans le capital d’une entreprise, fraude à la domiciliation) avant de signer un chèque pour obtenir l’abandon des poursuites ; sur les médias Dassault (Figaro) dont le père Serge a été membre du RPR puis de l’UMP, richissime fabricant d’armes et condamné pour corruption et blanchiment d’argent, mis en examen pour des achats de voix lors de municipales.
Sarkozy défendu par la quasi-totalité de la classe politique de droite, dont le RN et y compris par un ministre en exercice, Bruno Retailleau. Même le secrétaire perpétuel de l’Académie française y va de sa défense de Sarkozy.
Les petites mains de Sarkozy en province
Sarkozy, dont l’influence ne se limite pas à l’Île-de-France, la droite tourangelle figurant dans ses réseaux, comme en témoignent les condamnations de Renaud Donnedieu-de-Vabres, figure de la droite locale au début des années 2000 et un des protagonistes de l’affaire Karachi puis de Philippe Briand, dans le cadre de l’affaire du financement de la campagne Sarkozy de 2012. Comme en témoigne aussi le drôle de courriel du sénateur d’Indre-et-Loire Jean-Gérard Paumier qui, pour la première fois de sa vie, s’inquiète de la question de la détention en exécution provisoire de la peine avant l’Appel et du statut de la présomption d’innocence.
Sarkozy, dont un des proches et ancien secrétaire de l’association des « amis de Nicolas Sarkozy », Christian Estrosi, a décidé ce 29 septembre de baptiser l’esplanade devant l’Hôtel des Polices de Nice du nom de… Nicolas Sarkozy. Ce même Sarkozy qui en réalité a réduit les moyens de la police lors de sa présidence pour faire des économies. Et ce même Estrosi qui a usé de son mandat de député en 2013 pour envoyer aux frais des contribuables des milliers de courriers dans sa circonscription pour faire la promotion et un appel à souscription pour l’association des… « amis de Nicolas Sarkozy » et ce après la défaite de 2012 et les problèmes financiers du parti. Estrosi qui est l’objet de plusieurs enquêtes pour détournement de fonds publics, corruption passive et des passations douteuses de marchés publics.
Une république bananière, le soleil en moins.