Chercher un emploi, c’est du boulot !

L’association « Solidarités nouvelles face au chômage » (SNC) a fait dialoguer samedi 22 novembre lors d’une table ronde sa déléguée nationale adjointe, le directeur de France Travail 45, celui d’une entreprise d’insertion et le DRH régional de Suez. Constat unanime : les chômeurs sont loin d’être fainéants mais il faut du temps et des moyens pour remettre en emploi ceux qui en sont le plus éloignés.

De gauche à droite : Etienne Michelet (SUEZ), Pascal Corniquet (OIE), Jean-Paul Chabrol (SNC Orléans), Patrick BOISSY (France travail), André Pillot (SNC Orléans) et Anne d’Orgeval (SNC National) – Photo Pierre Dussin



Par Pierre Dussin.


Alors que le chômage repart à la hausse en Centre-Val de Loire (+ 3,1% sur un an pour les personnes tenues de chercher un emploi) (1), SNC Orléans a souhaité remettre au cœur de l’actualité le sujet du retour à l’emploi des personnes en difficulté d’insertion professionnelle à l’occasion des 40 ans de l’association. « Vivre un chômage prolongé n’est jamais un choix », souligne Anne d’Orgeval, déléguée générale adjointe de SNC. « La perte d’emploi entraîne une spirale de dépréciation de soi-même. Plus on y est longtemps, plus on a de chances d’y rester. C’est pour sortir de ce cercle infernal que les 1 800 bénévoles de notre association dispensent chaque année par binôme un accompagnement individuel à plus de 4 000 chercheurs d’emploi. C’est un accompagnement gratuit, bienveillant, sans limite de temps (en moyenne 7 mois) basé sur l’écoute et des conseils personnalisés »

Des parcours chaotiques

De l’attention et de la patience, il en faut beaucoup aux professionnels d’Orléans insertion emploi (OIE), une structure d’insertion par l’activité économique dans le secteur du nettoyage et des espaces verts, pour aider leurs salariés en contrat aidé à mi-temps, à remettre progressivement le pied à l’étrier. « Parmi la centaine de personnes qui nous sont adressées chaque année, beaucoup ont eu un parcours chaotique parsemé d’emplois précaires et d’inactivité », précise Pascal Corniquet, directeur d’OIE. « Le but de ces contrats aidés de 6 à 18 mois est de leur redonner un peu de stabilité, de leur permettre de souffler et de retrouver des réflexes au quotidien : arriver à l’heure, mettre ses équipements de protection, sortir de sa bulle et apprendre à bien communiquer avec ses équipiers… ». Il s’agit aussi grâce à l’action des conseillers en insertion d’OIE de lever les multiples freins qui parasitent leur retour sur le marché du travail classique. Et ils sont nombreux : logement précaire, absence de solutions pour la garde d’enfants ou le transport, maîtrise insuffisante des outils numériques et de la langue française, problème de santé, voire d’addiction, endettement…

Les bénévoles de SNC accompagnent toujours en binôme le chercheur d’emploi. Les RV se déroulent dans l’espace public (café, jardin…)

Un nouveau public pour France Travail

Depuis le 1er janvier dernier, tous les bénéficiaires du RSA et leur conjoint ont été inscrits d’office à France Travail comme le prévoit la loi Plein emploi de 2023. « Nous avons expérimenté en 2024 avec le Conseil départemental l’accompagnement intensif (2) de 4 000 de ces bénéficiaires sur Montargis », indique Patrick Boissy, délégué départemental de France travail Loiret. « Dès qu’un nouvel allocataire de RSA arrivait, nous le recevions dans les 8 jours alors qu’auparavant, il lui fallait attendre de 3 à 6 mois pour un premier entretien ».  

S’agissant des fameuses 15 heures d’activité hebdomadaires qui ont suscité des polémiques, certains les comparant à du « travail obligatoire », celles-ci ont été mises en œuvre de manière pragmatique. « Le but de ces activités est de resocialiser, de remobiliser chaque personne afin qu’elle retrouve la capacité d’aller vers les autres et gagne en assurance et en autonomie » poursuit le délégué départemental. « Cela peut inclure des démarches administratives, une participation à une association locale, un atelier pour mieux maîtriser le numérique… » Le ministère du Travail préconise toutefois de proposer au chercheur d’emploi le plus tôt possible une mise en situation professionnelle (période d’immersion, intérim…) afin d’affiner son projet professionnel. Suite à cette expérimentation, les premiers résultats semblent encourageants. « 40 % des allocataires RSA pris en charge par nos services avaient accédé 6 mois après à un emploi durable (3). Et un tiers n’étaient plus allocataires ».

Des entreprises plus inclusives ?

Les entreprises ont tout à gagner à ouvrir leurs portes à ces chercheurs d’emploi un peu cabossés qui ont pour la plupart vécu une longue période de chômage. S’intéresser à des profils atypiques via des pratiques de recrutement renouvelées peut enrichir le vécu de leurs salariés et in fine leur performance. C’est pour cela qu’en 2018, le gouvernement a lancé la communauté ‘Les entreprises s’engagent’. Dans le cadre de clubs départementaux, les services de l’État (DDETS) proposent aux entreprises de se fixer des objectifs pour une cause de leur choix : l’insertion professionnelle des jeunes, des personnes handicapées, des seniors, des habitants des quartiers populaires…

“Notre club regroupe 265 entreprises sur le Loiret” affirme avec fierté Etienne Michelet, DRH régional du groupe SUEZ-Eau. “Chaque mois, nous leur présentons les dispositifs existants pour faciliter l’insertion de ces différents publics et surtout, nous faisons témoigner des dirigeants qui partagent leurs bonnes pratiques. C’est important, notamment pour les petites PME/TPE qui n’ont pas de service RH dédié et qui ne savent pas toujours comment s’y prendre”. Le club du Loiret organise aussi tous les ans avec un autre collectif d’employeurs le Forum Atouts Age pour l’emploi des seniors. Il y a 3 ans, il s’est mobilisé pour l’insertion des migrants et a permis à des Ukrainiens d’être embauchés par des sociétés telles qu’Honda, le BRGM…

Inquiétude sur des coupes budgétaires en 2026

L’arrêté ministériel relatif à l’accompagnement intensif des chercheurs d’emploi préconise que chaque conseiller de France Travail ne puisse pas accompagner vers l’emploi plus de 50 personnes à un instant T. « Aujourd’hui, 59 conseillers gèrent sur le Loiret des portefeuilles de demandeurs d’emploi dits intensifs », rappelle Patrick Boissy. « Au total, pour 56 000 personnes tenues de rechercher un emploi, je ne dispose que de 240 collaborateurs pour les accompagner ». De l’aveu même du directeur départemental, limiter des portefeuilles à un quota de 50 implique forcément d’augmenter celui des autres. Et cela peut entraîner parfois une moindre qualité du service rendu à l’usager. 

Les structures d’insertion par l’activité économique (SIAE) ont déjà subi pour leur part en 2025 une baisse des subventions de l’État. Pascal Corniquet anticipe avec inquiétude une nouvelle baisse en 2026. « Sur un budget annuel de 3,5 millions, je touche 700 000 euros de subventions. Si l’État nous retire 100 000 euros, je dois augmenter mon chiffre d’affaires d’un demi-million pour retrouver une recette équivalente. C’est très difficile ». Et d’avouer son incompréhension face à ce désengagement des pouvoirs publics : « Une étude de la Cour des comptes a démontré qu’un euro de subvention versé à une SIAE rapportait au final à l’État entre 1,3 et 1,5 euro ». 

(1) : Chômeurs de catégories A, B et C – Source France Travail / ministère du Travail (DREETS)
(2) : Arrêté du 6 août 2025 portant approbation de la délibération du Comité national pour l’emploi relative au référentiel de l’accompagnement intensif
(3) : CDI ou CDD de plus de 6 mois


Plus d’infos autrement :

RSA : la réforme chère à Macron testée dans le Loiret

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