Cinéma, embarquement immédiat …

La nuit blanche du facteur

La nuit blanche du facteur

Ce qui finalement, est un des plaisirs incontournables du cinéma, c’est bien cette sensation du voyage instantané que peut procurer un film qui, au delà, d’une histoire plus ou moins passionnante, nous entraine dans des paysages ou des lieux qui loin d’être de simples décors deviennent de véritables “acteurs” de la narration : au prix du billet, le cinéma bat largement l’avion !

Et cet été fut l’occasion de quelques voyages palpitants de Berlin au Mexique en passant par l’Andalousie, la Turquie ou la Russie, et s’il n’y a pas forcément que des pépites dans ces films, le dépaysement est chaque fois plutôt réussi dans ces voyages spatio-temporels…

Carnet de Voyages

Victoria

Victoria

Alors commençons par Berlin avec “Victoria”, la folle cavale d’une jeune étudiante espagnole de sa sortie de boite de nuit jusqu’au petit matin blême, deux heures trente tournées quasiment en temps réel, un plan séquence d’une prouesse technique assez bluffante, dont on sort essoufflé à force de courir avec la caméra, et si le casting n’est pas tout à fait le hauteur, “Victoria” est un film à classer quelque part entre “A bout de souffle” de Jean Luc Godard et “After Hours” de Martin Scorsese.

Mustang

Mustang

Ralentissons avec “Mustang”, pour découvrir non pas la Turquie pittoresque, mais plutôt le lent enfermement de de cinq sœurs dans une maison qui se transforme petit à petit en prison, symbole d’une société rurale archaïque qui veut imposer son mode de vie patriarcale et ses mariages arrangés.
Et si l’allusion à “Virgin suicides” de Sofia Coppola est évidente, la réalisatrice Deniz Gamze Ergüven, dont c’est le premier film,  trouve ici le ton d’un “féminisme joyeux”, qui tout en dénonçant un retour à l’oppression des femmes en Turquie, navigue habilement entre le dramatique des situations et la ruse ou l’espièglerie de cinq indomptables filles, pleines d’une force vitale qui nourrit l’espoir que “ça change un jour”…

La Isla minima

La Isla minima

Retour à l’action avec ce survol de l’Andalousie et de ses terres sauvages de l’estuaire du Guadalquivir, filmées à la “google map”, un décor humide pour un polard à l’ambiance assez glauque, avec cette plongée dans la féodalité provinciale de l’Espagne, à la fin du règne du caudillo Franco.
“La Isla minima” nous décrit au travers de l’enquête de deux policiers que leur passé oppose, une société en putréfaction, et même si la vraisemblance est parfois un peu trouble, la scène de crime et l’univers qui l’entoure nous rappelle, très concrètement, ce que pouvait être un pays, sous le règne du fascisme.

Partons pour le Mexique 1932, et si l’on connaissait les dessins obscènes d’Eisenstein*,  ce que  Peter Greenaway, dans “Que viva Eisenstein”, tire de la courte expérience homosexuelle vécue par le plus grand génie du cinéma, durant son interminable tournage au Mexique, relève un peu de la publicité mensongère avec son sous-titre: “les dix jours qui ébranlèrent Eisenstein” (allusion au film d’Eisenstein sur la révolution soviétique “Octobre, ou les dix jours qui ébranlèrent le monde”). Cette aventure sexuelle garde tout son mystère puisque l’intéressé évitera soigneusement d’en parler à son retour en Union Soviétique stalinienne qui réprimait sévèrement cette “déviance” sexuelle.
Le traitement visuel de l’effervescence picturale du Mexique des années trente reste finalement bien décevant et le scénario de la rencontre imaginaire de l’inventeur du “cinématisme” (le cinéma comme transcendance de tous les arts) avec un autre monstre sacré de l’image mexicaine, le révolutionnaire Diego Rivera, reste à écrire…

Finissons par un voyage, sans doute plus convenu, aux confins de l’ex-empire soviétique, “Les nuits blanches du facteur” nous raconte les mésaventures sentimentalo-mécaniques d’un facteur en bateau, et la vie légèrement ennuyeuse de ces villageois un peu rustres, surlignée avec sa lourde parabole sur l’écart avec la modernité des fusées spatiales qui décollent dans le lointain d’un ciel crépusculaire.
Et si Andréï Konchalovsky, formé par la célèbre école de cinéma soviétique VGIK, nous avait habitué à des films plus ambitieux, ce dernier film a finalement le simple mérite de nous faire voyager dans une contrée qui, malgré le calme de ses paysages et ses isbas typiques et délabrées, n’attirera jamais le moindre tour-operator…

Alors vive le tourisme cinématographique !

Gérard Poitou

*L’écrivain Upton Sinclair, le producteur malheureux de “Que Viva Mexico” s’en plaint dans une lettre durant le tournage du film et décrit un de ces dessins: “a parody of christian painting showing Jesus and the two thieves hanging on crosses; the penis of Jesus is elongated into a hose, and one of the thieves has the end in his mouth.” (!)

“Victoria”  Sebastian Schipper  2 h 14

“Mustang” Deniz Gamze Ergüven  1 h 37

“La Isla minima” Alberto Rodrguez  1 h 44

“Que viva Eisenstein” Peter Greenaway  1 h 45

“Les nuis blanches du facteur” Andreï Konchalovsky  1 h 41

 

 

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