La France refuse un visa d’entrée aux petites “reines de Kaboul”

Par Patrick Communal

Le 29 mai dernier, une jeune cycliste Afghane, Masomah Alizada franchissait en levant les bras la ligne d’arrivée d’une épreuve qualificative pour les championnats du monde Gran fondo sur la piste de l’autodrome d’Albi, elle précédait de quelques minutes sa sœur Zahra. Dans le public qui assistait à l’évènement figurait l’ambassadeur de France à Kaboul, Jean Michel Marlaud.

Il y a d’Albi à Kaboul, à vol d’oiseau, près de 6.000 kilomètres, mais le parcours des sœurs Alizada pour y parvenir fut bien plus long                                            et périlleux.

Masomah Alizada, l’une des petites reines de Kaobul.

Nous avions déjà raconté dans une précédente publication que c’est Shannon Galpin, une jeune humanitaire elle-même passionnée de VTT qui avait recherché en Afghanistan, s’il était possible de rencontrer des femmes pratiquant le vélo. Elle avait fini par apprendre qu’il existait une équipe féminine de cyclisme à Kaboul qui tentait de pratiquer ce sport avec des moyens rudimentaires et en subissant l’agressivité et le rejet de la population locale. Shannon avait alors équipé le team afghan avec des vélos de course de bonne qualité et s’était un peu entrainée avec elles, elle raconte l’histoire de ces jeunes femmes courageuses dans un ouvrage publié uniquement aux États-Unis Mountain2mountain.

Un reportage sur Arte

Mais c’est Katia Clarens qui a fait connaître en France l’histoire de celles qu’on appelle désormais les petites reines de Kaboul, en référence au titre de son reportage filmé et diffusé par la chaine Arte, qu’on peut encore visualiser sur le site web de la station.

L’équipe ne peut s’entrainer dans Kaboul, elle doit donc s’éloigner de la ville pour rejoindre un projet de rocade en construction totalement désert où les filles peuvent courir en sécurité mais le parcours pour atteindre leur site d’entrainement est périlleux, une partie de la population est hostile aux petites reines de Kaboul et dans certains quartiers, les pierres et les vieilles canettes de coca cola volent bas, accompagnées de vociférations et d’injures. Ce n’est pourtant pas la tenue vestimentaire qui est provocante, ces jeunes femmes sont couvertes de la tête aux pieds et portent un voile sous le casque cycliste. Katia Clarens donne un coup de zoom sur Masomah et sa sœur Zahra. La famille appartient à la minorité chiite hazara, persécutée depuis fort longtemps en Afghanistan et a été contrainte à l’exil en Iran pendant la période des talibans. C’est là-bas que toute petite, Masomah a commencé à faire du vélo, qu’elle a souhaité continuer à pratiquer à son retour en Afghanistan.

A ce moment, les petites reines de Kaboul ont acquis une notoriété internationale, leur combat pour le droit des femmes est exemplaire, les télévisions diffusent des reportages dans le monde entier et un groupe de députés italiens les propose pour le prix Nobel de la paix.

A Kaboul comme dans un sous-marin

Cette notoriété va croiser les préoccupations de l’ambassadeur de France en Afghanistan, Jean-Michel Marlaud. La France entretient quelques coopérations dans le pays, en matière militaire notamment avec la formation de la gendarmerie locale, culturelle, et patrimoniale puisque l’école française d’extrême orient y conserve un peu d’activité mais vivre dans cette ambassade, c’est vivre reclus. Dans ses carnets diplomatiques, Jean-Michel Marlaud écrit : « à Kaboul, on vit comme dans un sous-marin ». Difficile d’exister et de rayonner à partir d’un sous-marin… Mais depuis 2013, à l’occasion d’une séance de travail avec l’équipe de la chancellerie politique, nos diplomates évoquant les différents projets de coopération menés par l’ambassade en faveur de l’état de droit, imaginent une initiative qui symbolise aux yeux du grand public l’importance des droits de l’homme, et comme la France adore donner des leçons en matière de féminisme, surtout lorsqu’elle s’adresse à des populations musulmanes, c’est le thème des droits des femmes qui sera retenu, avec la délivrance d’un prix annuel. L’ambassade d’Allemagne va s’associer assez rapidement à l’initiative.

Sur le podium à Albi

Lors du grand prix d’Albi.

Peu de temps après la diffusion du reportage d’Arte, les petites reines de Kaboul sont invitées à une cérémonie à l’ambassade de France pour la journée internationale du Droit des femmes, le 8 mars 2016, et c’est dans les semaines qui suivent qu’elles seront également invitées à participer à une compétition de cyclisme à Albi le 29 mai où elles vont figurer sur le podium.

Mag’Centre couvre l’événement au cœur du peloton, et après la course, Masomah Alizada nous rejoint et nous fait part des menaces de mariage forcé que fait peser sur elle sa communauté, ce qui mettrait un terme à son activité sportive. Au fil des mois qui suivent, la situation se détériore, trois attentats sanglants touchent leur communauté chiite hazara, les menaces se précisent sur les réseaux sociaux. Nous suggérons à Masomah et à sa famille de demander l’asile à la France. Masomah, sa sœur Zahra, son père et son grand frère Jawad rédigent un récit de vie dans leur langue maternelle, le farsi, que nous faisons traduire et intégrons dans un mémoire destiné à justifier auprès des autorités françaises que les membres de la famille Alizada voient leur vie menacée, qu’ils sont également exposés à des traitements inhumains et dégradants et que cela justifie la délivrance d’un visa de longue durée, préalable à une demande d’asile qui devra être instruite en France par l’OFPRA conformément à la loi.

Jean-Marc Ayrault et Bernard Cazeneuve alertés

Nous mettons également à disposition une maison en Bretagne qui permettra l’hébergement de la famille Alizada le temps nécessaire à la procédure d’asile. Jean-Pierre Sueur, sénateur du Loiret, intervient personnellement auprès de Jean-Marc Ayrault et de Bernard Cazeneuve pour demander que cette demande soit traitée avec bienveillance. La famille est reçue par le Consul de France fin novembre, elle est convoquée le 12 janvier au consulat de France pour signer officiellement sa demande de visa, et que soit effectué le relevé des données biométriques mais cinq jours plus tard, soit le 17 janvier, elle se voit notifier un refus de visa pour le motif fort laconique que les éléments communiqués ne correspondent pas aux cas de délivrance prévus par le droit applicable.

La commission de recours contre les refus de visa a dès à présent été saisie et dans les jours qui viennent, nous allons multiplier les initiatives auprès du chef de l’état et des candidats aux présidentielles en faveur des petites reines de Kaboul. Mag’Centre en rendra compte. Et comme la notoriété de nos amies afghanes dépasse le périmètre de la francophonie, cet article est exceptionnellement traduit en anglais.

Patrick Communal

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 Commentaire

On ferme les écoutilles

Dans cette affaire, notre ambassade aura donc instrumentalisé les petites reines de Kaboul pour envoyer une leçon de féminisme aux populations afghanes, elle a également diffusé, sur son site web, l’ensemble des liens avec les reportages de la presse écrite et audiovisuelle relatant l’invitation à Albi, ça pourra toujours servir aux cellules de l’état islamique bien installées dans la capitale afghane pour compléter leur documentation mais dès qu’il s’agit d’honorer les principes posés par la convention de Genève et d’accueillir cette courageuse famille sur le territoire national, on ferme les écoutilles du sous-marin pour plonger en eaux profondes. Si quoi que ce soit arrivait à Masomah ou à Zahra, le ministre de l’Intérieur dont les services ont dicté la décision de rejet en assumerait la responsabilité personnelle.
P.C

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FRANCE REFUSES ENTRY VISA TO LITTLE QUEENS OF KABUL


By Patrick Communal

On May 29, on the track of the Albi autodrome, a young Afghan cyclist, Masomah Alizada, crossed the finish line of a qualifying event of Gran Fondo World Championships, a few minutes before her sister Zahra. In the audience’s event was Mr Jean Michel Marlaud, the French Ambassador in Kabul.

There is, from Albi to Kabul, as the crow flies, about 6000 kilometers, but the route of the Alizada sisters to reach Kabul was much longer and perilous.

We have already mentioned in a previous publication, Shannon Galpin, the young humanitarian activist, who’s been passionate about mountain biking, she’s been searching “in Afghanistan” for the possibilities to meet another women cyclists. She eventually knew that there was a women cycling team in Kabul who was trying to practice the sport with rudimentary means and undergo the aggressiveness and rejection of the local population. Shannon then has equipped the Afghan team with good quality racing bikes and trained with them, she told the story of these courageous young women in a book published only in the United States “mountain2mountain”.

But it is Katia Clarens who has made their story known in France, whom now are called “The Little Queens of Kabul”, in reference to the title of the report filmed and aired by the chain Arte, which can still be watched on the Arte website.

The team couldn’t train in Kabul, so it had to go out of the city to join a deserted project in a totally deserted building, where they could run safely, but the route to their training site was perilous, part of the population was hostile to The Little Queens of Kabul and in some neighborhood, the stones and old cans of coca cola flew low, accompanied by vociferations and insults. Yet it wasn’t the clothing that was provocative, these young women were covered from head to toe and wore veils under the helmet cyclist. Katia Clarens gives a zoom shot on Masomah and her sister Zahra. The family belongs to the Shiite Hazara minority, persecuted for a long time in Afghanistan and were forced into exile in Iran during the Taliban period. she was there tiny Masomah started cycling, which she’s wished to continue practicing on her return to Afghanistan.

At that time, the Little Queens of Kabul started gaining the international fame, their struggle for women’s rights was exemplary, television broadcasts spread all over the world and a group of Italian deputies proposed them for the Nobel Peace Prize.

This notoriety will meet the concerns of the French Ambassador in Afghanistan, M. Jean Michel Marlaud. France maintains some cooperation in the country, notably with the formation of local gendarmerie, in cultural and heritage matters, since the “Ecole française d’extreme orient” maintains some activity there, but living in this embassy is live reclusive. In his diplomatic notebooks, M. Jean Michel Marlaud wrote “in Kabul, one lives as in a submarine”. Difficult to exist and to radiate from a submarine … But since 2013, during a working session with the team of the political chancellery, our diplomats evoking the various cooperation projects carried out by the Embassy in favor of the rule of law, imagine an initiative that symbolizes in the eyes of the general public the importance of human rights, and as France likes to give lessons in feminism, specially address to Muslim populations, it is the theme of women’s rights that will be retained, associated with the award of an annual prize. The German embassy also will join the initiative fairly quickly.

Shortly after Arte’s broadcast, The Little Queens of Kabul were invited to a ceremony at the French Embassy for Women’s Day on March 8, 2016, and it was in the weeks that followed, that they will also be invited to participate in a cycling competition in Albi on 29 May where they will appear on the podium.

Mag’Centre covers the event at the heart of the pack, and after the race, Masomah Alizada will joins us and tells us about the forced marriage threats that her community is putting on her, which would put an end to her sporting activity. Over the following months, the situation deteriorated, three bloody attacks touched their Shiite Hazara community, threats become clear on social networks. We suggest that Masomah and his family seek asylum in France. Masomah, her sister Zahra, her father and older brother Jawad write a life story in their native language, Farsi, which we translated and integrated in a memorandum to justify to the French authorities that members of the Alizada family has their life threatened and that they are also exposed to inhuman and degrading treatment and this justifies the issuing of a long-term visa prior to an asylum application which must be investigated in France by OFPRA in accordance with the law.

We also provide a house in Brittany that will allow the Alizada family accommodation during the time needed for the asylum procedure. Jean Pierre Sueur, senator of the Loiret, intervened personally with Jean Marc Ayrault and Bernard Cazeneuve to ask that this request be treated with careful attention. The family is received by the Consul of France at the end of November, it is convened on January 12 at the French consulate to officially sign her visa application, and that the biometric data is taken but five days later, It is notified of a refusal of a visa for the very laconic reason that the information communicated does not correspond to the cases of issue provided by the applicable law.

The appeals committee against visa refusals has already been seized and in the coming days we will multiply initiatives with the head of state and presidential candidates in favor of the Little Queens of Kabul. Mag’Centre will report. And as the notoriety of our Afghan friends exceeds the perimeter of the Francophonie, this article is exceptionally translated into English.

P.C


Comment

the hatches of the submarine are closed

In this case, our embassy have used The Little Queens of Kabul to send a lesson of feminism to the Afghan people. It has also disseminated on its website all the links with the written and audiovisual press reports Invitation to Albi, it will always be used to the cells of the Islamic state well established in the Afghan capital to supplement their documentation but as soon as it is necessary to honor the principles laid down by the Geneva Convention and to welcome this courageous family on the national territory, the hatches of the submarine are closed to dive in deep waters. If anything happened to Masomah or Zahra, the interior minister whose services dictated the rejection decision would assume personal responsibility.

http://www.ambafrance-af.org/Les-Petites-Reines-de-Kaboul-ont-effectue-un-sejour-en-France

Commentaires

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  1. Si nous avions encore besoin d’avoir la preuve de la lâcheté de la France, de la trahison de tous ses principes de Liberté, d’Egalité, de Fraternité, d’accueil de celles et ceux qui sont opprimé-e-s, risquent leur vie, simplement parce qu’elles sont né-e-s femmes, que leur est interdit le simple droit d’exister en tant qu’individu libre de ses choix, et bien en voilà une nouvelle preuve.

    Nicolas Sarkozy avait pris des engagements d’accueil des Tchétchènes, François Hollande s’est prétendu Président “féministe”, soucieux des droits des Femmes avec un Ministère à éclipse, dilué aujourd’hui dans le droit Des Familles, de l’Enfance.

    En réalité, nous sommes bien toujours dans le 36ème placard à balais du énième sous-sol d’un Ministère inexistant.

    Bref, il reste peu de temps à Madame Rossignol pour essayer dans ce cas de sauver l’honneur de la France. Un quinquennat catastrophique.

  2. Bonne nouvelle!
    Le ministre de l’intérieur dans une lettre adressée au Sénateur Richard Yung indique que les “intéressés se verront prochainement remettre un visa au titre de l’asile”!

Les commentaires pour cet article sont clos.

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