“El otro”, l’autre, la pièce du metteur en scène chilien Luis Guenuel de la compagnie el Niño Proletario propose un regard sur le monde marginal de la folie. Il s’inspire pour cette mise en scène du travail de la photographe Paz Errazuriz qui a réalisé un reportage en hôpital psychiatrique au Chili, clichés réunis dans un ouvrage intitulé “El Infarto del alma”, série de portraits des laissés pour compte de notre société, au delà même de ces “gens qui ne sont rien” comme les dénommait récemment un Président de la République.
Cette représentation de la maladie mentale est évidemment remarquable par le trouble qu’elle génère chez le spectateur: la finesse de l’observation des comportements et la précision de la gestuelle crée un fort malaise pour un spectateur devenu voyeur de la folie, comme ces foules qui se pressaient dans l’amphithéâtre de Charcot présentant ses hystériques.
L’absence de sens donné aux situations mises en scène confine rapidement au cauchemar, et les textes tirés du même ouvrage (écrits par Diamela Eltit), projetés pendant la représentation, restent finalement à la surface de la souffrance de la maladie mentale. Car comment montrer la folie ? Ne touche-t-on pas la limite du représentable (comme pour les migrants de Borderline) en mettant en scène des usurpateurs(trices) si doué(e)s soient-ils (-elles), au mimétisme tellement trompeur qu’ils font rire la salle, la souffrance en moins ?
Peut-il y avoir un théâtre brut comme il y a un art brut ? Sans doute la réponse est non, le spectacle vivant impose trop de contraintes, même si le “Ludwig, un roi sur la lune” présenté l’an passé au CDNO, intégrait bon nombre de malades mentaux dans un travail théâtral remarquable évoquant la folie de Louis II de Bavière..
Et puis, comment oublier “La moindre des choses”, le documentaire de Nicolas Philibert qui retraçait le travail théâtral des patients de la clinique de La borde, dans le Loir et Cher ?
Gérard Poitou
PS Si vous voulez poursuivre cette interrogation sur la folie, je vous invite à découvrir le spectacle de la compagnie Scène Ouverte, la comédie musicale Fêlures imaginée, écrite, mise en musique et jouée par une troupe de comédiens pas comme les autres, ce samedi 2 décembre au théâtre d’Orléans.
“El Otro” de Luis Guenuel
El teatro Niño Proletario (Santiago du Chili)
Les 21 et 22 novembre
Théatre d’Orléans
http://www.cdn-orleans.com/