Agriculture : opération déminage à L’Elysée

A 48 heures du Salon de l’Agriculture qu’il arpentera dès l’ouverture, Emmanuel Macron s’est employé à rassurer les agriculteurs pleins d’interrogations sur les décisions que leur réserve l’Europe, sur les avatars qui peuvent naître du Mercosur et en conséquence sur leur avenir. Pour apaiser le monde agricole et désamorcer toute envie de contestation le jour de l’inauguration au Palais des Expositions de la porte de Versailles, le président de la République avait invité quelques 700 jeunes agriculteurs sélectionnés par les préfets dans  toute la France.

Emilie Ganzin de l’écurie du Gué aux Loups à Châtillon Coligny et  Francine de Wilde de la ferme du Château vert à Saint- Firmin-des-Bois  (Loiret)

Pour la région Centre-Val de Loire, 37 élèves du lycée de la Saussaye à Chartres (Eure-et-Loir), d’autres du lycée agricole de Sully (Loiret) et plusieurs exploitants installés depuis un an ou deux. Il y avait entre autres Emilie Ganzin de l’écurie du Gué-aux-loups à Chatillon-Coligny, Francine de Wilde de la ferme du Château Vert à St-Firmin-des-Bois, toutes deux du Loiret, Julien Martin apiculteur aux 500 ruches à Montierchaume près de Châteauroux et Delphine Voinot qui, avec son frère, à la ferme de la Chenaie de Foecy près de Vierzon élève des volailles fermières et des canards gras, tous nés dans le monde agricole et passionnés par lui, certains l’ayant quitté pour mieux y revenir. Tous heureux d’entrer à l’Elysée « qui nous paraissait inaccessible et curieux de ce que le Président va dire ».

« Je ne suis pas là pour plaire, je suis là pour faire »

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Pour Emmanuel Macron ce grand rassemblement  était avant tout une belle opération de communication. Sur le ton martial  qui lui est habituel, quel que soit le domaine dont il parle ou qu’il ausculte, le chef de l’entreprise France  a rappelé, « Je ne suis pas là pour plaire, je lui sa pour faire », n’en déplaise aux inquiets et aux grognons. Il faut sortir l’agriculture française de la crise dans laquelle  elle est embourbée. Pour cela, lui et le gouvernement jouant les premiers de cordée, il faut la collaboration de tous. « Il ne faut pas se mentir. Beaucoup d’habitudes sont à changer et le faire ensemble c’est le sens de mon travail » a-t-il dit précisant qu’il fallait œuvrer en priorité dans trois directions, «  la valeur ajoutée, l’ouverture, le monde ». Il s’est empressé d’annoncer que les  arriérés liés aux mesures agro environnementales (MAE) dont certains datent de 2015, d’autres de 2016, plusieurs milliers, allaient être enfin payés « avant la fin du printemps ».

Au passage il en a profité pour fustiger les générations de dirigeants qui l’ont précédé et se sont contentés de « tapoter les vaches ». En conclusion de son discours d’une bonne heure, il a ajouté, bravache : « Certains se posent en grands défenseurs de l’agriculture en paroles, mais travaillent dans les actes à maintenir le statu quo. Et le statu quo, il la tue lentement mais surement. Ce que nous faisons ne plaît pas à tous ceux qui vivent sur des mensonges et agitent la peur. Je les croiserai samedi et les regarderai dans les yeux ».

Révolution culturelle

Emmanuel Macron veut  réaliser une « révolution culturelle », passer d’une agriculture aidée à une agriculture d’entrepreneurs. Pour accompagner la sortie dans le cadre de la PAC des zones défavorisées simples qui touche  1300 villages, il entend mettre en place un dispositif de prêts garantis pour les jeunes agriculteurs à hauteur d’un milliard d’euros  à venir dans le plan  « ambition bio » bientôt dévoilé par le gouvernement  dans lesquels seraient investis les 5 milliards d’euros prévus pour l’agriculture et le secteur alimentaire. « C’est un travail conduit et finalisé avec la Banque européenne d’investissement » a précisé le président aux agriculteurs qui sont très méfiants à l’encontre de la banque européenne.

“Jamais de bœuf aux hormones en France”

Alors que les accords internationaux avec le Mercosur suscitent la plus grande inquiétude et de multiples réserves dans le monde agricole Emmanuel Macron  a d’abord montré la nécessité de s’ouvrir à de nouveaux marchés et de nouveaux échanges, avant d’affirmer, « Il n’y aura jamais de bœuf aux hormones en France, il n’y en aura jamais, il ne faut pas jouer avec les peurs. S’il y en a aujourd’hui parce que les contrôles sont mauvais, c’est parce qu’il y en a qui fraudent. Il n’y aura aucune réduction de nos standards de qualité, sociaux, environnementaux, ou sanitaires à travers cette négociation », a martelé le Président, en assurant qu’il travaillerait à ce qu’il soit possible de  « bien contrôler aux frontières la traçabilité et les normes environnementales et sociales. En décembre, on aurait pu conclure un accord mais comme la France avait mis des lignes rouges, la commission ne l’a pas signé ».

Encouragements aux jeunes agriculteurs

Conscient de la difficulté qu’il y a pour les jeunes agriculteurs d’accéder  au foncier  le chef de l’Etat a  souhaité « pour le mois de mai » qu’on « imagine un système de pré-retraites agricoles avec une sortie progressive de l’activité » afin de permettre à un jeune de prendre la suite de ses parents.

Puis, s’adressant directement à la nouvelle génération d’agriculteurs, il  a promis la mise en place de « verrous règlementaires » sur les achats de terres agricoles par des étrangers en France, pour prévenir  des acquisitions  comme celle récente de bonnes terres à blé par le groupe Hong Yang, un investisseur chinois. « Pour moi, les terres agricoles en France, c’est un investissement stratégique dont dépend notre souveraineté, donc on ne peut pas laisser des centaines d’hectares rachetés par des puissances étrangères sans qu’on sache la finalité de ces rachats », a-t-il insisté.

Il a  également émis le vœu « qu’on ait un dispositif crédible pour celui qui arrête son activité ».  Puis, il  s’est déclaré « à l’écoute » des propositions du syndicat des Jeunes Agriculteurs sur l’éventuelle mise en place de  « prêts d’honneur ».

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Réactions en demi-teinte

« Les idées dont le président a parlé sont intéressantes. Il a balayé tous les sujets sans en omettre. Mais on attend les actes. C’est ça qui compte », a réagi  Victor, jeune agriculteur en semences bio et maraichage à Vicq Exemplet dans l’Indre, installé depuis 2015.  Puis il a ajouté « il a beaucoup parlé de viande, de vaches, peu des autres secteurs ».

Dans l’ensemble les agriculteurs et agricultrices de la région Centre-Val de Loire présents concluaient, « on va voir ce que ça va donner. On sent une certaine dynamique pour nous aider, mais il y a beaucoup, beaucoup à faire.  S’il fait ce qu’il a dit c’est bien ».

En présence des ministres Stéphane Travert (Agriculture), Nicolas Hulot (Transition écologique), Jacques Mézard (Cohésion des territoires) et de l’épouse du président Brigitte Macron, les jeunes agriculteurs  dégusté un buffet bien fourni sous les lustres de cristal de la Salle des fêtes de l’Elysée, un peu impressionnés d’être là mais tous considérant sans toujours le dire « qu’être là était un honneur ».

Françoise Cariés

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