Une aire d’accouchement au bord de la départementale a été installée hier, en pleine Brenne, pour offrir aux futurs parents du Blanc, dans l’Indre, un relai entre leur ancienne maternité et les suivantes.
Les Blancois ont le sens de l’humour. Pour le 1er avril, ils ont inauguré une aire d’accouchement en pleine Brenne pour alerter sur les risques liés à la fermeture de leur maternité. Une bonne blague ? Oui, mais pas uniquement. Ici, les opposants en sont tous persuadés, les accouchements en bord de route risquent de se multiplier dangereusement dans les mois, les années à venir si la situation reste celle que le gouvernement a aujourd’hui choisie pour eux, placer leur territoire à au moins une heure de la plus proche maternité depuis la fermeture de leur établissement, le seul dans le sud de l’Indre, en juin dernier.
Wilfried et Marion attendent leur premier enfant, ils espèrent ne pas avoir à utiliser l’aire
Une tente, une table d’auscultation, un kit d’accouchement avec pinces à clamper et ciseaux pour couper le cordon, des couvertures de survie… ont été placés au bord de la route départementale 925, au lieu-dit Corbançon, entre Vendœuvres et Mézières-en-Brenne, sur un des itinéraires possibles entre Le Blanc et les maternités de Châteauroux ou de Châtellerault.
Tous les élus étaient présents pour l’inauguration
« Comme s’en est fini pour nous de la proximité, la sérénité et la sécurité, et que le risque aujourd’hui c’est d’aller jusque dans les maternités, nous avons décidé d’agir, explique Patrice Houssin, membre du collectif C pas demain la veille et élu du Parc naturel régional [PNR] de la Brenne, tous deux à l’initiative de l’événement. On anticipe en prévoyant des lieux, des aires d’accouchement d’urgence pour s’arrêter dans de meilleures conditions qu’au bord de la route. » « C’est une initiative pertinente, mais pour le moment, c’est assez précaire. Il faudrait essayer de voir pour construire un abri en dure » déplore Annick Gombert, maire du Blanc. La centaine de personnes venue à l’inauguration se presse à l’entrée de la tente. Le confort est sommaire, mais les besoins de base sont comblés.
L’inquiétude est palpable
« C’est une blague, bien sûr ! En 2019, il y a des lieux plus appropriés pour accoucher comme des maternités, mais là, comment faire lorsqu’elles sont à plus d’une heure de route… Alors oui, c’est une blague, à moins qu’elle ne devienne une cruelle réalité et une vraie nécessité, alerte Gladys, membre du collectif, mobilisée pour la réouverture de la maternité du Blanc. Alors nous avons fait officiellement une demande de subventions à l’agence régionale de santé [ARS], restée pour le moment sans réponse. » 5000 euros ont été demandé dans le but de réaliser trois aires d’accouchement afin de couvrir le territoire.
Aurélie, la sage-femme, explique les étapes clés d’un accouchement
Même si l’initiative des Blancois peut prêter à sourire, ici, l’inquiétude est bien palpable. Aurélie Bourry, sage-femme libérale installée à Montmorillon dans la Vienne, à quelques kilomètres du Blanc et présente hier pour rappeler les étapes d’un accouchement, est de plus en plus sollicitée par de jeunes parents pour recevoir des conseils sur les bons gestes à adopter. Ne pas couper le cordon sans clamper, faire du peau à peau et prévoir une couverture de survie pour garder le bébé au chaud… Ainsi, des panneaux indiquant des aires d’accouchement d’urgence vont être positionnés aux entrées des communes du territoire. Outre le message militant, l’utilité est surtout de diffuser l’image d’un QR code qui renvoie vers une application. Elle permet un accompagnement pas à pas des futurs parents contraints de pratiquer eux-mêmes un accouchement grâce à des vidéos, des explications… « Ce tutoriel remarquable a d’ores et déjà fait ses preuves en Ethiopie » font remarquer les opposants. Tout moyen de communication est bon pour inculquer les réflexes, reconnaît Aurélie Bourry. « On va être de plus en plus confrontés à des parents qui devront aussi avoir une connaissance de base de l’accouchement. C’est un enjeu important pour limiter leur stress, un vrai fléau pour la grossesse et l’accouchement. »
Une dizaine de jours après avoir organisé des Etats généraux des maternités dans leur commune et invité une quinzaine de délégations de toute la France confrontée à la même sanction, les opposants Blancois redoublent d’efforts pour porter haut les idées qu’ils espèrent voir se développer dans leur territoire. Leur souhait, porté par les instances du PNR Brenne : co-construire avec l’ARS Centre – Val de Loire un projet territorial de santé en adéquation avec les spécificités démographiques, économiques, géographiques et tout particulièrement l’éloignement de tout autre centre de santé afin de garantir une prise en charge adapté et de voir, peut être un jour rouvrir la maternité. Pour défendre leurs positions, un manifeste sera très prochainement publié sur leur site et page Facebook.
Des panneaux seront apposés aux portes des villes équipés
Jeudi dernier, une délégation composée d’élus et de citoyens engagés dans la lutte a enfin été reçue par Agnès Buzyn, ministre de la santé après des mois de sollicitations. Au cours d’un entretien d’une heure et demi, la ministre a confirmé que l’avenir de l’hôpital, autre grande crainte localement, n’est pas remis en cause et que le plateau technique serait maintenu. Quand à la proposition de PNR Brenne, elle aurait été reçue un accueil favorable selon les membres de la délégation, mais ici, chacun préfère constamment rester sur ses gardes.
Morgane Thimel