La démocratie est-elle soluble dans les réseaux sociaux ?

Décidé en 2007, le 15 septembre est la Journée internationale de la démocratie. Force est de constater que ses valeurs sont souvent remises en question par des régimes autoritaires démocratiquement élus mais soutenus par la désinformation portée par les réseaux sociaux. Si les fondamentaux de la démocratie sont en danger, peut-elle être encore sauvée ?

cliché Pixabay d’illustration
Par Jean-Paul Briand.

Des ersatz de démocratie

L’histoire retenait d’une part que ce sont habituellement les coups d’état qui font disparaître les démocraties et que d’autre part une frontière sépare les État de droit, des régimes dictatoriaux ou autoritaires. Ce n’est plus ainsi. Alors que la démocratie a triomphé dans de nombreux pays, elle est aujourd’hui menacée de l’intérieur. On assiste à l’émergence de régimes parfaitement légitimés par les urnes mais qui bafouent délibérément les valeurs fondamentales de la démocratie. En Hongrie, en Turquie, en Inde, au Brésil, au Venezuela et même aux Etats Unis, des dirigeants élus démantèlent méthodiquement les garde-fous institutionnels, prouvant que le suffrage universel peut enfanter des régimes qui le nient. Ces régimes, au nom de leur élection conforme au droit, de leur majorité donnée par le peuple et surtout par la volonté de leur leader, ne tolèrent aucune entrave. Ces ersatz de démocratie s’emploient à saper les fondements mêmes du système qui les a portés au pouvoir en cherchant à éliminer toutes oppositions et contre-pouvoirs qui caractérisent les authentiques démocraties.

Faire taire toutes voix discordantes

Afin de donner le change, l’édifice étatique des régimes populistes autoritaires modernes s’appuie sur les mécanismes démocratiques classiques : élections, référendums, consultations populaires. Néanmoins un processus délibéré vise à faire taire toutes voix discordantes. Le premier principe de démocratie qui est attaqué est celui de la séparation des pouvoirs. L’affaiblissement progressif de la justice et la maîtrise de la presse en sont les symptômes principaux. Concernant la magistrature, il suffit pour l’exécutif, fort de sa légitimité populaire, d’organiser quelques changements au sommet de la hiérarchie judiciaire. Pour la presse, l’achat et le contrôle des médias par des milliardaires amis permet de vampiriser l’information.

Des « vérités alternatives » façonnent l’opinion publique

Aujourd’hui les principaux vecteurs de maîtrise de l’opinion sont les réseaux sociaux avec leur bataillon d’influenceurs rémunérés. Sous prétexte de liberté d’expression, l’exactitude des faits n’est plus la règle. Les réseaux sociaux envahissent l’espace public de contre-vérités et d’une multitude d’évènements non vérifiés. Sur les plateformes numériques la vérité est concurrencée par l’émotion, la complexité par la simplification. L’indignation remplace la réflexion et l’invective se substitue au débat. C’est une stratégie politique délibérée pour que des « vérités alternatives » façonnent l’opinion publique.

Les auxiliaires des régimes autoritaires

Le modèle économique des réseaux sociaux repose sur la capacité à capter l’attention, à exciter les passions, à polariser les débats. Les plates-formes numériques, en privilégiant les contenus émotionnels deviennent les auxiliaires des régimes autoritaires. Nombre de dirigeants ont ainsi compris qu’elles étaient de remarquables outils pour diviser, discréditer, dominer et confisquer les règles du débat démocratique à leur profil. Aux États-Unis l’assaut du Capitole, en janvier 2021, a montré qu’une grande démocratie pouvait basculer lorsque des citoyens, abreuvés de théories du complot et de discours de haine par les réseaux sociaux, cessent de croire en la légitimité du processus électoral.

La légitimité ne se puise pas seulement dans les urnes

La démocratie, ce « pire des régimes à l’exclusion de tous les autres », selon la formule célèbre de Churchill peut-elle être sauvée ? Oui, mais à condition de comprendre que son salut viendra de l’éducation, de la revalorisation du débat rationnel et contradictoire, de l’apprentissage de l’esprit critique et de la maîtrise de ses émotions. Il viendra aussi d’une régulation ferme des plates-formes numériques devenues les principaux vecteurs du poison informationnel.

Le 15 septembre, Journée internationale de la démocratie, devrait être l’occasion de rappeler que la légitimité ne se puise pas seulement dans les urnes, mais dans le respect des droits et des institutions de l’État de droit.

« Si nous ne régulons pas les réseaux sociaux, si nous n’apprenons pas à nos enfants à distinguer le vrai du faux, nous risquons de perdre la démocratie sans même nous en rendre compte. » Barack Obama

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