Metteur en scène et comédien, Joaquim Fossi se confie sur sa première création : Le Plaisir, la Peur et le Triomphe, prochainement présentée au Théâtre d’Orléans du 13 au 16 janvier. Né avec Internet, Joaquim Fossi invite le public à pénétrer sur scène dans son « grand musée des images », une forme de théâtre d’enquête 2.0.

Portrait de Joaquim Fossi. Photo : Lila Schpilberg.
Par Charlotte Guillois.
Révélé en 2018 par le rôle de Dylan Moreno dans la série Demain nous appartient diffusée sur TF1, Joaquim Fossi se destinait d’abord au journalisme. Après des études à Sciences Po Montpellier, il intègre finalement l’École du Nord à Lille, où il amorce son parcours théâtral. En tant qu’acteur, il joue dans les films d’Emmanuel Poulain Arnaud, Philippe Lefebvre et Yvan Attal, incarne des personnages Shakespearien pour le théâtre, et signe sa première mise en scène en 2021 avec La Carte du Tendre. Le Plaisir, la Peur et le Triomphe marque un tournant : il s’agit de sa première création, qu’il interprète seul sur scène, muni d’un ordinateur et d’un vidéoprojecteur.
Orléans, une ville adoptée
La Scène nationale d’Orléans compte aujourd’hui Joaquim Fossi parmi ses artistes associés. Le théâtre l’accompagne sur deux projets : Le Plaisir, la Peur et le Triomphe et Short Message Service, créé en collaboration avec la comédienne et metteuse en scène Suzanne de Baecque. Pour Joaquim, qui doute souvent et craint parfois de ne pas être à la hauteur, ce soutien institutionnel est essentiel. « C’est comme si on me mettait une main dans le dos pour me soutenir », confie-t-il.
Le mentorat de Christophe Galent, directeur du Théâtre d’Orléans, occupe une place centrale dans son parcours. « Il m’offre une perspective plus large sur ma création », explique Joaquim. L’intérêt de Christophe Galent pour son travail s’est manifesté très tôt, dès les présélections du dispositif d’accompagnement à la jeune création en juin 2024.
Désormais affilié au Théâtre d’Orléans, Joaquim s’approprie progressivement la ville : un café à La Demi-Lune, un footing sur les bords de Loire. « Orléans s’immisce dans mon cœur ; je m’émerveille devant la Loire et les vieux quartiers », raconte-t-il, évoquant la longue promenade quotidienne qu’il partage avec son équipe pour rejoindre le théâtre. Une routine qui témoigne d’une orléanisation en bonne et due forme.
Fabriquer un spectacle à partir d’images
Avec Le Plaisir, la Peur et le Triomphe, Joaquim apprend à monter un spectacle et découvre l’ensemble du processus de création. « Je n’ai pas d’expérience, hormis celle d’interprète. C’est aussi la première fois que je suis seul sur scène. Le fait que la Scène nationale me fasse confiance me permet d’expérimenter et d’apprendre », explique-t-il.
Au cœur de la pièce : les images. Né en 1998, Joaquim appartient à une génération façonnée par Internet et sa profusion visuelle. Il part d’un constat : « Internet a entraîné un bouleversement psychique. Notre rapport aux images a changé. Avant, on les voyait dans les journaux ou les musées ; aujourd’hui, il y a un flux continu que l’on ne maîtrise plus, on ne choisit plus ce que l’on regarde. » Il s’interroge alors sur l’impact de cette saturation d’images dans nos vies intimes et collectives.
Pour le spectacle, il a sélectionné mille images afin de composer un « grand musée des images humaines ». Le dispositif se veut interactif : « Je crée une connivence avec le public en faisant apparaître des images familières, comme le fond d’écran Windows, que je repeuple d’imaginaire », détaille-t-il, conscient de la dimension vertigineuse de son projet
À partir de sa propre subjectivité, Joaquim mène un travail d’enquête sensible, proche du journalisme, cherchant à « immobiliser les images, à les regarder autrement et à réinventer notre relation à elles ».
Le Plaisir, la Peur et le Triomphe
Le titre du spectacle est emprunté à Vers un réalisme global, recueil de conférences et d’entretiens de Milo Rau. Un homme y raconte avoir observé, enfant, des images de prisonniers de guerre sur le point d’être exécutés, et avoir ressenti un mélange troublant de « plaisir, de peur et de triomphe ». Une formule que Joaquim juge particulièrement juste pour décrire l’ambivalence émotionnelle suscitée par certaines images.
Que l’on ait grandi ou non avec Internet et son raz-de-marée visuel mêlant pornographie, animaux mignons et catastrophes naturelles, Le Plaisir, la Peur et le Triomphe promet une expérience déroutante, immersive et profondément contemporaine.
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