Joelle Léandre à la Scène nationale d’Orléans : oui, on vous entend !

Après You l’après-midi dans le hall du théatre, un groupe de folk qui joue sur la voix et sur une guitare rustique, la Scène nationale proposait ce samedi soir un concert de petit orchestre. Musique d’aujourd’hui écrite par Joelle Léandre et jouée par des musiciens remarquables, elle a brisé le silence imposé par le Covid d’abord, mais surtout nous a promenés dans un plaisir musical intelligent, complexe, riche et beau.

Joelle Léandre est une importante représentante de la musique improvisée. C’est son credo, son grand intérêt, son grand questionnement en tant que musicienne. Or samedi soir, elle a présenté une œuvre très écrite, pour une formation importante qui devait être un tentet, mais s’est finalement réduit à un nonet : Guillaume Roy, un altiste, était malade.

Le plaisir de l’orchestre

Sa partition, intitulée Can You Hear Me, est vraiment une œuvre pour orchestre. Il y a le plaisir du nombre, dans des moments ou tous jouent, se répondent, se relancent, s’affrontent ou glissent à l’unisson dans un mouvement de musique contemporaine digne de Bartok. Le son commun de toutes les cordes, par exemple, nous plonge un siècle en arrière, dans ce plaisir intense de l’orchestre moderne, osé pour l’époque, mais finalement toujours osé, en tous cas rare dans la musique d’aujourd’hui. Et puis les cuivres qui s’introduisent dans ce son, qui se dressent pour amener l’ensemble plus vers nous.

Ce plaisir de l’orchestre, qui alors, le plus souvent, suit la partition, n’empêche pas d’autres modes de fonctionnement. Remarquables discours de la trompette de Jean-Luc Capozzo, par exemple. Ou très beau duo d’Alexandra Grimal au saxo et de Florian Satche à la batterie, qui continuent leur rencontre commencée il y a plusieurs années. Belle digression aussi de Jean-Brice Godet aux clarinettes, qui entame ces apartés alimentant l’œuvre commune. Ou de Christiane Bopp, qui tire de son trombone bouché des déchirements induits par l’instrument.

Magnifier le son de chaque instrument

Et c’est justement ça que la partition de Joelle Léandre met magnifiquement en avant. Son écriture magnifie le son propre de chaque instrument pour l’inclure dans le groupe. Séverine Morfin à l’alto ne laisse pas passer son moment, seule ou en accord avec son voisin Valentin Ceccaldi, violoncelliste, qui rassemble, renvoie, s’approprie et transmet le nerf de la section cordes. Guillaume Aknine à la guitare, plus discret, marque par ses profondes interventions l’inscription dans une musique totalement d’aujourd’hui.

Le tentet lors de la création en 2016 à Banlieue Bleue

De la musique vécue sur scène et dans la salle

Magnifique heure de musique à la fois écrite et improvisée, en tout cas vécue. Et c’est sans doute le plus réjouissant, cette vivacité ancrée dans l’histoire de la musique, cette improvisation concertante. Que ce soit du jazz ou autre chose ne compte pas. C’est de la musique vécue par des musiciens qui ont besoin de jouer pour exister, matériellement mais pas seulement. Et Joelle Léandre l’a dit à la fin, en ce moment, c’est rare !

Et pour les auditeurs aussi, même si l’enjeu n’est pas le même, une soirée d’une telle envergure fait du bien.

Bernard Cassat

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