La chorégraphe Cécile Loyer, installée à Vatan, dans l’Indre, avec sa compagnie C.LOY, a proposé à la Scène nationale d’Orléans d’animer un atelier ouvert à tous les « danceurs.euses » amateurs que ça intéresse. Intitulé Kartographies#Orléans, ce travail a pour cadre les thèmes des routes, des voyages, des tracés dans la société, et bien sûr des voyages sans retour qui foisonnent autour de nous.
Vingt neuf personnes, sans autre critère qu’un âge minimum de 16 ans, ont répondu à l’appel. Plus de femmes que d’hommes, mais la société dans son ensemble est bien représentée ! Pendant cinq week-ends, ils ont construit un spectacle. Une représentation publique était prévue ce mardi 2 février en soirée, mais, couvre-feu oblige, la dernière répétition de ce dimanche a servi de dernier filage et de répétition générale devant un public très réduit de professionnels.
S’insérer dans la foule sans pour autant se perdre
Tout le spectacle, visuellement, est articulé autour de la foule et du jeu, du collectif et de son fonctionnement. La première séquence, comme un jeu de plein air, constitue le groupe de danse. Je te touche, je t’intègre. Les danseurs.euses se courent après, s’évitent, s’acceptent. Le groupe formé devient plus grave, chacun, constamment, cherchant sa place à l’intérieur. Les mêmes gestes, des gestes différents, l’identique et l’altérité. Très vite, le dimension des voyages des migrants plane sur le déroulement des tableaux qui se succèdent. Le jeu des chaises, par exemple, où ceux qui restent debout ne demandent pas une chaise, mais une maison. Dans les séquences suivantes, des phrases dites en langue originale et leurs traductions françaises projetées sur le fond de scène précisent le thème de l’exil, avec aussi le point de vue des mères restées au pays qui pensent à leurs fils partis au loin. Et toujours cette dimension du jeu, un deux trois soleils, par exemple, qui saccade les gestes en les décomposant.
Evoluer au sein d’une communauté
Pour finir dans une ronde très ambiguë, ou plutôt riche de sens divers possibles. Les danseurs.euses tournent en rond, chacun à sa propre vitesse. Le groupe semble s’enrouler, et la variation de vitesse évoque soit la lenteur des cours de prison, soit l’animation des cours de récréation ; ces lieux clos, même s’ils sont en plein air, où une communauté évolue. Tous les chemins apportés par les participant.e.s dans l’élaboration de cette heure de spectacle se nouent dans ce final. Cécile Loyer défend l’idée qu’il faut chercher encore et toujours, que l’acte créateur est dans la recherche, l’essai, le ratage parfois, et que la danse n’est vivante que lorsqu’elle cherche ou se cherche. Que chaque création est une étape, non une finalité. L’atelier a manifestement travaillé, cherché son expression et les gestes qui pouvaient la traduire. Avec un groupe aussi important, on imagine la difficulté d’une cohésion, qui pourtant est sur scène.
Covid oblige, les masques étaient sur scène et dans la salle. Et on se disait que les centaines de places vides dans la salle Barrault auraient pu accueillir le double, le triple, dix fois plus de public sans enfreindre la sécurité sanitaire ! Dommage qu’un tel travail reste en vase clos. Mais heureusement, malgré les conditions, qu’il a existé.
Bernard Cassat
Kartographies#Orléans
Chorégraphie Cécile Loyer
Assistanat à la chorégraphie Éric Domeneghetty
Interprétation Romain Bertet, Sonia Delbost-Henri, Steven Hervouet, Maï Ishiwata
Musique Sylvain Chauveau
Régie générale, lumière Coralie Pacreau
Avec la participation de 29 danseur·se·s volontaires issu·e·s du territoire Annabelle Guehria, Aude Jacquet, Aude Pichon, Audrey Duris, Aurélie Vain, Camille Roquencourt, Célia Landré, Chris Bonsergent, Erwann Cochery, Françoise Vallet, Jean-Hugues Rouch, José Gomez, Loula Gernez, Marie Durie, Marie Saillard, Marie-Laurence Degouy, Marilou Guérin, Mireille Cauchi, Mounia Soubra, Myriam Attia, Nadine Ramond, Nicky Tella, Noémie Brosset, Noémie Le Brazidec, Pascale Magnant, Saïda Akallouh, Sinaly Koné, Wilfrid Ranni, Zoé Decolly
Avec le soutien de la Caisse des Dépôts
Toutes les photos © Aaron Benjamin
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