Consommation de viande : stop ou encore ?

De plus en plus de personnes décident de manger moins de viande, voire de la supprimer, souvent  pour des raisons de santé. Toutefois, le sujet est devenu politique et sociétal car certains le font pour des raisons morales et d’autres par convictions écologiques. Essayons d’y voir plus clair avec le Dr Jean-Paul Briand, responsable de la rubrique santé de magcentre.fr.

La viande bonne ou mauvaise pour la santé? ©Denys Gromov pour Pixels

Quels sont les régimes alimentaires incluant très peu de viande ou l’excluant ?

Jean-Paul Briand : Avant de répondre,  je tiens à préciser que je suis un mangeur de viande mais pas un pourfendeur de ceux qui la bannissent. On distingue cinq grands types de comportements alimentaires incluant très peu de viande ou l’excluant totalement. Dans chacun de ces régimes, il existe des sous-groupes ayant des particularités :

  • L’alimentation flexitarienne accepte la viande et le poisson, mais dans des proportions très réduites et pour des raisons autres que financières.
  • Dans l’alimentation pesco-végétarienne, seuls les produits qui ont nécessité l’abattage d’un animal terrestre sont éliminés, donc le poisson peut être consommé.
  • Un partisan de l’alimentation végétarienne refuse tous les aliments dont la production requière l’abattage d’un animal terrestre ou aquatique. Il  accepte toutefois le lait et ses dérivés ainsi que les œufs et le miel.
  • Le régime végétalien, exclut, lui, tous les aliments d’origine animale, donc pas de viande, de poisson, de fruits de mer, de produits laitiers, d’œufs et de miel.
  • Enfin ceux qui adoptent un régime végane sont végétaliens. Cette pratique dépasse le cadre de l’ alimentation. Les véganes ajoutent la dimension éthique en refusant la souffrance animale, comme l’a dénoncé Voltaire, le philosophe des Lumières dans son Dialogue du chapon et de la poularde. Par ailleurs, le végane ne fait aucune activité et n’utilise aucun produit où un animal est exploité (zoo, équitation, cirque, delphinarium, habillement, hygiène, loisirs, etc).

Combien de personnes refusent ou diminuent la consommation de viande en France ?

Jean-Paul Briand : Dans une enquête réalisée en 2018 par le Centre de Recherche pour l’Étude et l’Observation des Conditions de Vie (CREDOC) sur un échantillon de 1009 adultes, 20% se déclaraient flexitariens, 4% végétariens et 1,2% véganes. Ces chiffres sont en constante progression. Un marché spécifique est apparu avec une croissance moyenne de 2015 à 2020 de 8,4% par an. En 2016, les produits végétariens / végétaliens ont augmenté de 96 % en France et la croissance prévue est autour de 20% jusqu’en 2025.

L’arrêt de l’absorption de viande reste donc encore un phénomène marginal en France. Il semble néanmoins se répandre plus massivement chez les jeunes des classes aisées, cultivées et urbaines. Les raisons principales de ce choix semblent être la santé et un engagement environnemental. Mais chez certaines personnes, on peut penser que ces nouvelles habitudes alimentaires participent, en s’opposant au conformisme alimentaire des parents, à la construction de leur autonomie psychologique.

Une bonne alimentation pour une bonne santé © SD

Quel est l’intérêt pour notre santé de diminuer ou d’arrêter la viande ?

Jean-Paul Briand : Cet intérêt est primordial puisqu’il s’agit ni plus ni moins de prévenir l’apparition de cancers. Car, après avoir évalué plus de 800 études épidémiologiques, le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC Lyon, France) a classé comme cancérogène pour l’homme (Groupe 1) la consommation de viande transformée « sur la base d’indications suffisantes pour le cancer colorectal. De plus, une association positive a été mise en évidence entre la consommation de viande transformée et le cancer de l’estomac.

Par ailleurs, dans une alimentation végétarienne ou végétalienne, les apports en nutriments sont bien différents de ceux fournis par un régime omnivore et ont des conséquences directes sur la santé. En France, le surpoids et l’obésité constituent un problème majeur de santé publique, avec une prévalence importante  (nombre de cas d’une maladie dans une population à un moment donné, englobant aussi bien les cas nouveaux que les cas anciens) puisqu’en 2012, 32,3% des Français adultes de 18 ans et plus étaient en surpoids  et 15% présentaient une obésité. Or, les végétariens et végétaliens ont tendance à avoir des apports caloriques quotidiens plus faibles que les omnivores. En effet, ceux-ci remplacent la viande par des aliments qui, à volume égal, ont une plus faible teneur calorique. Ils présentent rarement un excédent pondéral ( de l’embonpoint) et le cortège d’anomalies biologiques qu’il entraîne (diabète, hypertension, etc.). Si l’on s’en tient aux différents biomarqueurs des risques cardio-vasculaires, les preuves des avantages métaboliques d’un régime végétarien sont nombreuses.

Un régime sans aucun produit animal peut-il poser des problèmes de santé ?

Jean-Paul Briand : Généralement, le végétalisme est accusé de pouvoir entrainer de nombreuses carences alimentaires, principalement en vitamine B12, iode, calcium, vitamine D, fer et vitamine K. En pratique, il n’y en quasiment pas. Les partisans de ce type d’alimentation sont attentifs à leur santé, se documentent, connaissent les risques et prennent des compléments alimentaires quand c’est nécessaire. Si des carences existent ce sont très souvent chez des personnalités déviantes, outrancières qui, quel que soit le mode alimentaire choisi, se mettront en danger.

On doit néanmoins rappeler qu’une plus grande vigilance doit être observée pendant la grossesse, l’allaitement, puis chez le nouveau-né et le nourrisson, en particulier pour le fer et la vitamine B12. Cette vitamine participe à la synthèse de l’ADN, elle est nécessaire à la production de cellules sanguines et au développement du système nerveux. Elle n’est pas synthétisée par l’organisme humain et son apport dépend exclusivement de l’alimentation de produits d’origine animale. Sa carence, avec celle du fer, peuvent entraîner des anémies particulièrement préjudiciables pour le fœtus et le nouveau-né. Les professionnels de santé, qui suivent les femmes enceintes et leurs bébés, savent l’importance de faire des dépistages précoces et réguliers à la recherche d’éventuelles carences nécessitant des supplémentations rapides.

Chez la femme qui n’est plus en âge de procréer, d’après une étude de cohorte, incluant 102 521 femmes ménopausées et publiée dans le Journal of American Heart Association (JAHA), il est observé que la consommation de protéines végétales, en remplacement des protéines animales, entraîne un risque plus faible de décès prématuré lié à la démence chez ces femmes âgées…

Les végétariens sont-ils en moins bonne ou en meilleure santé que les autres ?

Jean-Paul Briand : Lorsque l’on fait une revue de la littérature, on constate que des grands noms du sport sont végétariens et en parfaite santé. Parmi les plus connus, on peut ainsi citer en tennis les sœurs Williams et Martina Navratilova, la championne française de patinage artistique Surya Bonaly, les athlètes Carl Lewis et Edwin Moses et le champion de formule 1 Lewis Hamilton.

Une étude autrichienne  pouvait faire croire qu’il existe un plus grand risque de certaines maladies chroniques (allergies, cancers, troubles psychologiques) chez les non consommateurs de protéines carnées. En y regardant de plus près, on constate que les personnes en moins bonne santé, et en particulier les femmes, optent plus facilement pour un régime végétarien car il est perçu comme plus sain et pouvant améliorer leur qualité de vie. Il n’y a donc pas de relation de cause à effet entre moins bonne santé et l’arrêt de la consommation de viande ou, si cette relation existe, elle est inverse.

Les végétariens vivent-ils plus vieux ?

Jean-Paul Briand : Ce n’est pas encore très clair. Les conclusions des études ne sont pas toujours probantes et se contredisent. Il y a parfois une récupération avec la mise en avant de résultats partiels par les partisans de l’abandon de la viande afin de convaincre ou de faire de nouvelles recrues. Une étude américaine publiée en 2013 dans le prestigieux JAMA Internal Medecine, a été menée pendant 6 ans sur plus de 70.000 membres de l’église adventiste. Elle a conclu à un taux de mortalité réduit jusqu’à 15% avec le régime alimentaire végétarien. Mais cette étude est biaisée. En effet, de très nombreux membres de l’église adventiste pratiquent le végétarisme car leur doctrine les oblige à une alimentation saine et naturelle. Elle interdit les boissons alcoolisées, le tabac et toutes autres substances nuisibles et recommande l’entretien du corps par l’exercice physique.

Une autre recherche sur plus de 260 000 hommes et femmes âgés de 45 ans et plus en Australie, menée pendant six ans, ne montre pas que le régime végétarien peut, à lui seul, faire diminuer le risque de décès prématuré. Globalement les végétariens ont des habitudes de vie plus saines. Ils fument ou boivent beaucoup moins de boissons alcoolisées, sont rarement en surpoids et ont une activité physique plus régulière. Lorsque tous ces éléments sont pris en compte, il n’y a pas de différences statistiques de risque de décès prématuré chez les végétariens et les non-végétariens.

Que peut-on en conclure ?

Jean-Paul Briand : Dans les pays riches, l’alimentation moderne est devenue pathogène. Elle entraîne une désastreuse épidémie d’obésité, augmente les risques pour notre cœur, nos vaisseaux, notre cerveau… Pour la protection de la santé, le seul régime qui en a fait la preuve, depuis de nombreuses années, est le régime crétois, encore nommé régime méditerranéen. Il nécessite une consommation faible de poisson et rare pour la viande, associée à une grande abondance de fruits, légumes, légumineuses, céréales, herbes aromatiques et d’huile d’olive, complétée d’une ingestion modérée de produits laitiers (essentiellement de chèvre et de brebis), d’œufs et de vin. Les études, encore rares, sur les régimes alimentaires réduisant d’une façon significative l’apport en viande montrent un rôle également bénéfique pour la santé. L’urgence climatique pourrait bien toutefois promouvoir les choix alimentaires, encore décriés et minoritaires, des végétariens et des végétaliens…

Propos recueillis par Sophie Deschamps

A lire aussi : Et si on arrêtait de manger de la viande pour sauver la planète ?

Pour en savoir plus : Vegeclic, un site médical pour conseiller des patients végétariens et végétaliens.

Commentaires

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  1. La photo sous la page titre “Consommation de viande : stop ou encore ?” nous montre des morceaux de choses d’un rose industriel qui n’est guère appétissant…
    Là, je comprends la distance prise avec “la chose carnée”
    Rien à voir avec les couleurs naturelles d’une entrecôte de bœuf du Charolais ou d’Aquitaine, qui se cuira sur une braise de sarments de vigne, parsemé de quelques échalotes, accompagnée au choix suivant les goûts, d’un Sancerre Rouge ou d’un vieux Saint Emilion… une fois par semaine, quand on a les moyens….!
    Merci Monsieur Briand pour cette étude et démonstration bien documentée, qui ne va pas réussir à me couper l’appétit… Me voilà donc “flexitarien” (!), incorrigible bordelais adepte de l’entrecôte ou de l’alose grillée…ne dédaignant pas le magret de canard…bio, ou son cousin le confit, les graisses d’oiseau protègent des maladies cardio-vasculaires…
    Incorrigible septuagénaire, pour le temps qui me reste à vivre, j’assume mes choix alimentaires “avec modération” !

  2. Merci de préciser ce qu’est une “viande transformée”. S’agit-t-il d’une viande qui a été cuite ou d’une viande qui a été destructurée, hachée, à laquelle ont été ajoutés différents ingrédients chimiques pour la recomposer sous l’aspect le plus souvent d’une galette dite “viande hachée” ou d’un cylindre dit “saucisse”?.

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