Du Louvre à Valençay

La Victoire de Samothrace a déployé ses ailes, dans une caisse, ici, en Berry. Comme la Vénus de Milo. Comme le Code de Hammurabi et ses quatre mètres de haut. Comme nombre d’œuvres du Louvre débarquées de la capitale pour rejoindre une terre d’asile avant que ne se profile une possible débâcle… C’est cette histoire méconnue qu’explique l’exposition temporaire ouverte voilà quelques jours au sein du château de Valençay.

La table est prête pour onze convives. Photo Fabrice Simoes

Dans la salle à manger, la table est mise pour onze. Pourquoi onze ? Le costume de laquais, prêt à servir, repose à proximité. Les bougies des chandeliers sont éteintes tandis que le lustre est toujours allumé. Les allées du parc, les pelouses sentent bon le printemps et les premiers temps chauds en Berry. Sur les côtés de la scène, dans les alcôves du théâtre à l’Italienne du château, les deux statues de plâtre ont retrouvé leurs places après plusieurs mois de restauration. La Comédie à droite, la Tragédie à gauche. Peut-être l’inverse … Après plusieurs mois de fermetures, le château de Valençay retrouve des visiteurs alors que, dans le large couloir du premier étage, résonne encore le claudiquement du plus illustre des maîtres de ces lieux, Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord.

Des éclats de musique enveloppent l’ancienne salle de lecture où tableaux, meubles, caisses, papiers gisent dans une hétéroclite disposition. Photo Fabrice Simoes

Pour le retour à la vie, on inaugure une exposition temporaire. Dans la cour d’honneur, sous les premiers rayons de soleil de juin, ça tape un peu. Ça tape un peu sur le “têtiot” comme on dit dans ce coin de l’Indre. Çà tape un peu sur des instances départementales lors des discours du maire de céans, Claude Doucet, par ailleurs président de l’Association des maires du département.  Des histoires de sous, de Nord du département, et autres. Au moment du vin d’honneur, ça tapera aussi sur la pyramide, le fromage de chèvre fabriqué dans une ferme du coin, et ça tapera toujours sur un vin de Valençay qui va bien avec. Modération si tu nous écoutes…

La Comédie ou la Tragédie_ A droite ou à Gauche . Photo Fabrice Simoes

Galeries, capharnaüm, cadres vides, explications

La nouvelle exposition retrace l’histoire peu racontée du séjour des plus grandes œuvres du Louvre pendant la Seconde Guerre mondiale. Sortie de l’ombre par Manon Beulay, une jeune locale historienne de l’art, elle a pris forme par la volonté de Sylvie Giroux, la directrice du château. Anne Gérardot,  ex-directrice des archives départementales de l’Indre, précise que la demeure de Talleyrand « fut un des maillons essentiels du formidable plan de sauvegarde de collections nationales ». Elle explique que le château indrien était essentiellement dévolu à la protection des sculptures, de la statuaire antique chère à Rose Valland, la résistante conservatrice du musée du Jeu de paume.

Emprisonnée par un coffrage en bois grossier, Diane voudrait s’enfuir. Photo Fabrice Simoes

Le clou de l’exposition, puisque tel est son nom, s’est donc installé dans les galeries et la salle Renaissance du château. Là, à un bout de la grande galerie, « emprisonnée par un coffrage en bois grossier, Diane voudrait s’enfuir mais elle est figée dans sa course pour l’éternité, dans une indécente nudité. Heureusement, vous, vous pouvez parcourir librement la grande galerie. Des cadres vides, des socles sans statues, de meubles recouverts de vieux draps, quelques ombres… » … » raconte Florient Azoulay le directeur artistique qui a conçu l’exposition avec Anne Gérardot, à la direction scientifique et à la réalisation, Sylvie Giroux, directrice du château à la coordination générale, et Olivier Innocenti à la création musicale.

Socle vide, meubles recouverts de vieux draps, quelques ombres… Photo Fabrice SImoes

Autre galerie, autres cadres, autres vitrines. Photos, textes, articles de journaux témoignent d’une période trouble, de l’exode des œuvres et de celui des gens. Là, on apprend que le conservateur principal des années noires valencéennes fut Gérarld Van der Kamp. Après guerre, il a été surnommé « l’homme qui dormait avec Mona Lisa » par la presse américaine parce que, au moment du rapatriement de La Joconde vers le Louvre, il avait disposé le tableau de Léonard de Vinci au pied de son lit, sur un chevalet…

Plus loin, des éclats de musique enveloppent l’ancienne salle de lecture où tableaux, meubles, caisses, papiers gisent dans une hétéroclite disposition. Composée spécialement pour le cadre, les choses, et l’esprit de l’exposition la pièce d’Olivier Innocenti se décline durant une quarantaine de minutes en trois parties : le départ et le temps du voyage ; l’arrivée au château et la longue attente ; le retour.

« Ce clou de l’exposition est le premier opus d’une nouvelle collection dédiée aux expositions temporaires ; il est le témoignage singulier d’une vitalité riante, nourrie par les valeurs humanistes d’un collectif qui contribue à cultiver l’esprit du lieu, par tous les temps » assure Sylvie Giroux.

Fabrice Simoes

Photo de Une : Le château de Valençay, celui de Charles-Maurivce Talleyrand -Périgord

Exposition « Du Louvre à Valençay », au château de Valençay. Ouvert tous les jours, de 10 h à 18 h, jusqu’en septembre. Dernier accès 45 minutes avant la fermeture du site. Visite guidée de l’exposition : 3,50 € (en plus du prix d’entrée au château).

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