Sébastien Boueilh, les enfants d’abord !

Le célèbre rugbyman Sébastien Boueilh, violé à l’adolescence et qui s’en est « remis » consacre une bonne partie de son temps à son association Colosse aux pieds d’argile. Lui et ses correspondants régionaux sillonnent la France pour informer sur les violences sexuelles faites aux mineurs. Il a fait étape à Orléans le 14 décembre 2021.

par Sophie Deschamps

Sébastien Boueilh devant son livre Le colosse aux pieds d’argile salle Eiffel à Orléans le 14 décembre 2021. Photo Sophie Deschamps

Agression sexuelles dans le sport. Rompre le silence et briser l’omerta. Tout est dit ou presque dans le sous-titre du livre de Sébastien Boueilh, Le colosse aux pieds d’argile dans lequel il raconte les agressions sexuelles et les viols  subis durant quatre ans, entre douze et seize ans, de la part de son entraîneur. Des agressions suivies d’un (trop) long silence de 18 ans et d’un procès de quatre ans alors que son prédateur avait reconnu les faits.

Pourtant, quand ce grand gaillard sympathique et souriant prend la parole, salle Eiffel à Orléans, ce mardi soir 14 décembre devant une trentaine de personnes à l’invitation du Conseil départemental du Loiret, on a du mal à imaginer son calvaire. D’emblée, il explique avoir eu de la chance dans son parcours de victime : « Je suis tombé sur un capitaine de gendarmerie exemplaire, parce que formé pour auditionner les victimes. J’ai ensuite été parfaitement accompagné par une psychologue criminologue. Enfin, j’ai un avocat exceptionnel qui est devenu mon parrain et le président de mon association. Et cerise sur le gâteau, j’ai été reconnu par la justice en tant que victime. »

Colosse aux pieds d’argile 

Une résilience qui lui permet d’être utile et de redonner à d’autres ce qu’il a reçu, notamment dans le domaine sportif, avec la création en 2013 de Colosse aux pieds d’argile. Son association qui emploie 22 salariés avec déjà des milliers de réunions dans toute la France. Autant dire que l’intervention, sous forme de questions et de réponses est bien rodée : « Nous avons une approche de la question dédramatisante, assez ludique et surtout pédagogique. Les gens ressortent de nos réunions avec des chiffres et des informations. » Le but de ces rencontres est aussi de former les parents mais aussi les professionnels de l’enfance à décrypter notamment les signes qui doivent alerter les adultes pour tout changement de comportement d’un enfant : « Ça peut être de l’introversion ou au contraire de l’extraversion. Chez les petits, ça peut être de faire des dessins de forme phallique et/ou des jeux sexuels inappropriés pour l’âge. Chez les plus grands ce sont des scarifications. La consommation de drogues, d’alcool. Des fugues, des mensonges. Des signaux que vous pouvez retrouver sur notre site. »

Une nécessaire prévention

L’idéal bien sûr est que l’agression sexuelle ne se produise pas en mettant en garde l’enfant par des consignes simples : « C’est déjà savoir identifier des situations à risques comme par exemple te retrouver isolé avec un adulte. C’est aussi avoir la connaissance de tes parties intimes et savoir dire non aux personnes qui voudraient les toucher du moment que tu es autonome. Et vous adolescents, c’est apprendre le consentement et surtout identifier la personne de confiance, hors du cercle familial et à laquelle tu peux parler d’un secret qui te rend malheureux. D’où l’importance de la parole qui doit être libérée. » 

Les enfants handicapés aussi 

Dans la salle, il y avait surtout des professionnel(le)s de la petite enfance, comme cette psychologue d’un IME de l’agglomération orléanaise. Confrontée il y a 20 ans à des enfants qui avaient subi des violences sexuelles, elle salue le travail de cette association : « Tout ce qui peut être fait pour la protection des enfants, c‘est formidable. Car encore aujourd’hui, il n’y a pas assez de professionnels formés et d’instances qui veillent à protéger les enfants et à les soigner. » Elle insiste aussi sur le fait de croire la parole des enfants handicapés : « Une jeune fille trisomique qui parle, on ne la croit pas, parce que l’on estime qu’elle n’est pas dans la réalité et qu’elle fantasme.»

Sébastien Boueilh, le colosse aux pieds d’argile, lors de son intervention à Orléans sur la pédocriminalité le 14 décembre 2021. Photo Sophie Deschamps

Connaître le portrait-type d’un prédateur sexuel 

L’un des moments forts de cette rencontre a été la présentation du portrait-type d’un prédateur sexuel. Car contrairement aux idées reçues, la personne, avant de passer à l’acte présente toutes les qualités recherchées dans une relation humaine : bienveillance, sympathie, empathie, gentillesse. Et le témoignage de Sébastien Boueilh est glaçant : « Mes parents exigeaient que je rentre du sport avec cet entraîneur, sinon j’étais puni. Ce qu’ils ne savaient pas c’est que cinq minutes avant de me ramener, il me violait. Cinq minutes après, il buvait le café avec eux. » Car un prédateur avance toujours masqué : « il cible une proie, mais avant de s’en prendre à l’enfant il commence à manipuler toutes les personnes de son entourage. Comme une araignée, il tisse sa toile en gagnant la confiance de tous ces adultes qui gravitent autour de l’enfant. »

Prescription de 30 ans pour toutes les agressions sexuelles 

Sébastien Boueilh aborde aussi l’aspect juridique de ces violences dans ses conférences en faisant tout d’abord la distinction entre un pédophile et un pédocriminel. « Le pédophile est une personne qui a des pulsions sexuelles envers des enfants ou des adolescents mais ne passe pas à l’acte tandis que le pédocriminel a les mêmes pulsions mais passe, lui, à l’acte.»

Point délicat de son intervention, il a expliqué pourquoi il était pour le maintien de la prescription des faits de pédocriminalité à 30 ans afin j cite « d’inciter les personnes agressées à porter plainte avant d’être hors délai ». Mais il voudrait que cette prescription de 30 ans  « concerne aussi les agressions sexuelles (prescrites aujourd’hui au bout de huit ans, NDLR)) et pas seulement les viols. »

 Il est favorable enfin à une prescription glissante, c’est-à-dire de la faire tomber pour toutes les victimes quand une nouvelle victime d’un même prédateur se fait connaître et pour laquelle les faits ne sont pas prescrits. Une mesure introduite dans la loi du 21 avril 2021.

Ne pas se prendre pour un gendarme

Vers la fin de cette rencontre, Sébastien Boueilh a souhaité que les personnes présentes dans la salle prennent le relais : « J’ai pour habitude de dire que seul on va plus vite, mais qu’ensemble on va plus loin. Et vous allez être les porteurs de ce combat que nous menons. » Il a enfin donné de précieux conseils « pour bien recevoir la parole d’un  un enfant agressé : maîtriser ses émotions, garder le sourire autant que possible, ne jamais mettre en doute la parole de l’enfant, le féliciter pour son courage et la confiance qu’il nous accorde et bien sûr lui promettre de l’aider mais sans crier sur les toits ce qu’il vient de révéler. Enfin ne pas se prendre pour un gendarme et enquêter, ce n’est pas votre rôle. »

L’occasion aussi de rappeler que toute personne qui a connaissance d’un fait de maltraitance sur un mineur est obligée de le signaler au Procureur de la République selon l’article 434-3 du code pénal.

Lire aussi : Les enfants souffrent aussi des violences conjugales

Quelques chiffres pour prendre conscience de l’ampleur du phénomène :  

En France, 400 000 enfants subissent des violences, dont 165 000 des violences sexuelles. Soit 5 nouvelles victimes mineures par jour et par département. Pourtant, on recense en France en 2019 « seulement » 22 736 plaintes pour viols et agressions sexuelles sur mineurs.

20% des pédocriminels récidivent dans les 3 mois après avoir purgé leur peine.

25% des agresseurs sont mineurs et 68% d’entre eux commettent des viols.

2% des pédocriminels sont des femmes.

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