Belle saison 2 pour le colloque les femmes et leur corps, à Orléans

Mix-cité 45, organisatrice du colloque annuel orléanais Femmes des lumières et de l’ombre avait décidé de reprendre les 22 et 23 septembre 2022 le même thème que l’an passé, à savoir “les femmes et leur corps”. Bien lui en a pris, au vu de la richesse des interventions de ces deux journées. 

Par Sophie Deschamps

Une partie de la belle équipe du colloque orléanais 2022, Les Femmes et leur corps. Photo Sophie Deschamps

Consciente de ne pas avoir épuisé toutes les questions et problématiques du corps des femmes, l’équipe de Mix-Cité 45, qui gère ce colloque, avait décidé l’an passé de remettre le sujet sur le tapis. Pari gagné tant les interventions des unes et des autres était très différentes de celles de l’an passé tout en gardant leur originalité et leur pertinence. Un colloque présidé par Annie Richard, présidente-cofondatrice  de l’association Femmes-monde, qui vient de publier chez l’Harmattan l’auto-essai La Boîte noire de la mère. Annie Richard qui explique par ailleurs que « son féminisme ne vient pas d’une révolte contre le père (…) mais procède de la constatation d’une exploitation au sein de la famille, consentie, intériorisée des femmes et néanmoins très frustrante.» Elle nous a également incité.e.s à découvrir l’oeuvre de la poétesse plasticienne romancière grecque Gisèle Prassinos qu’Annie Richard présente comme détenant « une grande force contestataire, sans haine ni hargne ».

 Une actualité sombre pour les femmes 

Même si l’humour et les rires sont les bienvenus chaque année à l’auditorium Marcel Reggui de la médiathèque d’Orléans, qui a fait comme d’habitude salle comble, l’actualité des femmes dans le monde est loin d’être rose, à l’instar du décès de Masha Amini en Iran, du sort terrible des femmes afghanes et de la remise en cause de l’avortement aux USA, sans oublier les millions de fillettes et de jeunes filles encore excisées aujourd’hui en Afrique mais pas seulement.

Il convient aussi saluer la qualité et la diversité des intervenant.e.s, de tous âges et de tous horizons y compris géographiques. Ainsi c’est la Docteur es lettres tunisienne Gleya Maatatallah qui est venue nous montrer l’originalité de l’oeuvre d’Annie Ernaux. Première femme écrivaine à avoir pris ses origines sociales et son destin comme sujet de ses livres jusqu’aux plus dramatiques comme son viol, son avortement, la maladie d’Alzheimer de sa mère mais aussi le corps qui s’embrase dans Passion Simple.

C’est ainsi l’oeuvre très originale et sensible de la jeune sculptrice Céline Cadaureille qui travaille sur le corps de la femme à plusieurs âges de la vie en partant de sa propre expérience de vie, mais aussi de son entourage notamment sa fille et sa mère atteinte d’un cancer du sein.

C’est le tabou du sang des règles que des femmes artistes engagées sortent de l’intime avec des oeuvres volontairement choquantes comme ce portrait de Trump réalisé par Sarah Levy avec son sang menstruel. Mais qui est le plus abject des deux, le sang ou l’ex-président des USA ?

Portrait de Donal Trump réalisé avec le sang menstruel de l’artiste Saray Levy pour dénoncer les agissements sexistes et sexuels de l’ancien président. Photo SD

C’est le male gaze cinématographique (regard masculin) débusqué par l’enseignant orléanais Stéphane Martin, notamment dans les James Bond et chez Hitchcook avec un début de female gaze (regard féminin) notamment dans La Leçon de piano de la néo-zélandaise Janes Campion ou plus récemment Titane de Julia Ducournau.

C’est  le regard porté sur d’autres pays comme l’Afrique avec l’excision mais aussi l’écrivaine Marie-Rose Abomo-Maurin, présidente du colloque de l’an passé qui nous a révélé « les rites et rituels de beauté du corps féminin dans la zone gang-boulou-beti de l’Afrique centrale

Sur l’Espagne aussi avec « l’écriture du corps féminin dans la littérature espagnole contemporaine » puis la présentation du travail de deux photojournalistes majeures et emblématiques de l’ère post-Franco : Colita et Pilar Aymerich.

Ou encore Lynda-Nawel Tebbani venue parler de l’Algérienne en lutte dans les arts de 1954 à aujourd’hui. 

Dominike Lemoine et son bébé, une ode au naturisme. Capture photo colloque les femmes et leur corps

C’est aussi une ode au naturisme portée avec joie et enthousiasme par Dominike Lemoine. Il y a là pour elle « une pratique du bonheur qui permet de vivre mieux physiquement, moralement et socialement ». Jubilatoire et contagieux tant on la sent à l’aise dans son corps, justement.

C’est Coraline Refort, dont la thèse porte sur Alice Guy, première femme cinéaste française que l’on redécouvre peu à peu. 

C’est enfin, mais impossible malheureusement de les citer toutes et tous, l’intervention  de Claire David sur Nelly Arcan, autrice québécoise qui dit-elle n’a cessé d’écrire sur « la plus vieille histoire des femmes, celle de l’examen de leur corps » mais qui malheureusement s’est suicidée à 36 ans.

Faux procès sur le corps des femmes

Et puis, une  nouveauté cette année :  un faux procès du corps des femmes le 22 septembre au soir au FRAC. Une reprise plus modeste de celui qui s’est tenu l’an passé au tribunal de grande instance d’Orléans lors de la carte blanche donnée au Parlement des Écrivaines Francophones

Ainsi, plusieurs témoins se sont succédés à la barre pour défendre ou attaquer le corps des femmes, le public étant d’emblée accusé et donc un verdict final acquis d’avance.

L’interêt résidait dans la qualité des textes proposés dont plusieurs étaient signés Monique Lemoine et François Chadebec, présidente et membre de Mix-Cité 45, respectivement durant ce procès Maître Taistoi-Tastort avocate de l’accusation et Maître Duval-Morito, avocat de la défense.  

L’autrice Anna Helle, déclamant le texte Trouble majeur à l’ordre public lors du faux procès sur le corps des femmes le 22 septembre 2022 au FRAC à Orléans. Photo SD

Avec une mention spéciale pour le texte Trouble majeur à l’ordre social déclamé avec talent par Anna Helle autrice de Sous le vernis (l’Harmattan) et dont voici un extrait :

Une femme, quelle qu’elle soit, ne devrait pas avoir à s’excuser ou se justifier de qui elle est face aux hommes et aux autres femmes. 

Elle ne devrait jamais avoir à entendre qu’elle se farde pour se cacher ou ne ressemble à rien démaquillée. 

Une femme ne devrait jamais avoir à entendre qu’elle n’est qu’une salope, une belle plante et une dépravée et qu’elle ne ressemble à rien en petite tenue. 

Elle ne devrait jamais être soumise à quoi que ce soit non plus.

Bien sûr, le colloque des femmes des lumières et de l’ombre reviendra les 2023,  sur un tout autre thème mais tout aussi prometteur : les femmes hors la loi.

À lire aussi : Les femmes et les corps tout un programme, colloque 2021

Commentaires

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  1. Merci Sophie DESCHAMPS pour cet exercice difficile qu’est la présentation d’un colloque aussi dense et divers. Mais ces moments passés ensemble sont chaque année riches et chaleureux. On vous invite à écouter l’enregistrement intégrale du colloque et du faux procès sur Youtube ! L’an prochain nous nous retrouverons si vous le voulez bien.

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