La Tendresse Subversive s’invite au FRAC à Orléans

 Le volet orléanais de la Biennale Féministe de Vierzon est incarné par une exposition intitulée La Tendresse Subversive, avec là aussi uniquement des œuvres de femmes, visible aux Turbulences du FRAC d’Orléans. Visite guidée avec Abdelkader Damani, directeur du lieu.

Abdelkader Damani présente l’exposition La Tendresse Subversive, volet orléanais de la biennale féministe de Vierzon. Photo Sophie Deschamps

Même si la Biennale est délocalisée cette année à Vierzon, les équipes du Frac et son directeur Abdelkader Damani ne voulaient pas « pénaliser le public orléanais même si la Ville d’Orléans ne nous finance pas. Donc, nous ne voulions pas que nos visiteurs se disent : « Tiens, ils ont abandonné Orléans, d’où cette exposition. »

Avant de pénétrer dans la salle d’exposition de La Tendresse Subversive, l’oeil est tout de suite attiré par la photo d’ouverture où le rose domine. Mais très vite on découvre qu’il s’agit d’une cour de prison photographiée par l’artiste vénézuelienne Ana Maria Arévalo Gosen qui depuis quelques années photographie des femmes  emprisonnées en Amérique latine. Comme l’indique Abdelkader Damani « en fait, elle fait un travail sur les femmes qui entrent dans ces prison latino-américaines afin de reconquérir leur liberté et reconstituer la totalité de leur vie, parfois avec leurs enfants, parce qu’elles viennent très souvent de parcours très difficiles.»

Photos d’d’Ana Maria Arévalo Gosen issues de l’exposition La Tendresse Subversive au FRAC d’Orléans. Photo SD

Donner une visibilité aux artivistes

Cette photo a été choisie pour l’affiche de la Biennale de Vierzon « parce qu’elle pose une ambiguïté entre l’emprisonnement et la volonté d’être libre. De plus, l’artiste a créé une association au Salvador où elle redonne un pourcentage des photos qu’elle vend à ces femmes et aux associations qui les aident. Donc nous voulions montrer ce courant et le travail de ces femmes que l’on appelle les artivistes, c’est-à-dire des artistes activistes donc qui s’engagent jusqu’au bout. Et ça c’est quelque chose de fondamental dans le concept de tendresse subversive. Quand un artiste prend quelque chose au réel, il le transforme en art. En principe, il est redevable au réel. Les avant-gardes faisaient cela, ils se battaient contre les injustices mais ils ne rendaient rien au réel. Donc pour moi, la notion de tendresse subversive est beaucoup opérationnelle dans un mouvement circulaire entre l’art et la vie. Donc, on est accueillis par cette série de photos d’Ana Maria Arévalo Gosen.

Ce sont ces gestes de tendresse vis-à-vis des femmes qui font craquer le système captitaliste et patriarcal dans lequel nous sommes. Et puis surtout c’est une concrétisation du devenir-femme du monde. Nous n’avons pas le choix de devenir tous et toutes femmes et in fine d’oublier le féminisme tellement il deviendrait évident. Et j’aime à dire que l’art n’a rien à dire mais que c’est le meilleur réceptacle de tous les secrets du monde. C’est cette magie-là qui rend l’art nécessaire à nos vies. »

Beaucoup d’oeuvres textiles 

Un peu plus loin, on découvre aussi beaucoup d’oeuvres textiles, reprise d’un geste millénaire de femme. Tout d’abord, deux plans de la prison de la Santé en relief et vue de dessus réalisés en tissu, à la manière d’un patchwork. Des oeuvres signées Laure Tixier qui a voulu redonner une visibilité à « ce trou noir du tissu urbain » flouté par Google Earth pour des raisons de sécurité.

Plan de la prison de la Santé en textile, vue de haut. Laure Tixier, Frac Centre, exposition La Tendresse Subversive. Photo SD

Un échiquier géant également est posé au sol où des textes sont inscrits dans les cases noires : « Il s’agit de l’oeuvre d’Anna Ponchon diplômée depuis l’année dernière de l‘École Nationale Supérieure d’Art de Bourges. Elle rappelle l’œuvre de l’artiste Carl André, l’un des grands représentants de l’art minimal, accusé d’avoir tué sa femme. Il a été acquitté, faute de preuve. Mais ensuite, il l’a attaquée en prétendant qu’il était plus célèbre qu’elle et donc qu’elle lui en voulait pour ça. ( ce qui signifie la phrase visible sur la photo). C’est pour cette raison que cette jeune artiste Anna Ponchon a voulu dénoncer cela. Elle a fait une oeuvre qui ressemble aux dalles de Carl André en y ajoutant ses phrases.»

détail de l’œuvre d’Anna Ponchon, exposition La Tendresse Subversive, FRAC Orléans. Photo SD

Abdelkader Damani a un avis très tranché sur le fait de conserver ou non dans les collections des musées des œuvres produites par des hommes soupçonnés de féminicide : « Ce Carl André est présent dans toutes les collections françaises et mondiales. Pour moi, il faut les retirer. Je ne fais pas de distinction entre l’oeuvre et l’artiste. Il faut arrêter avec ça.»

Cette exposition est aussi l’occasion pour le FRAC d’Orléans d’acheter des oeuvres de femmes afin de rééquilibrer ses collections majoritairement composées encore d’oeuvres masculines. C’est le cas notamment des oeuvres de l’artiste franco-ukrainienne Elvira Voynarovska diplômée de l’ESAD d’Orléans en 2019 qui a orienté ses recherches sur l’architecture naturelle et notamment sur la notion de grotte.

Grâce à l’exposition La Tendresse Subversive, les oeuvres de la franco-ukrainienne Elvira Voynarovska entrent dans les collections du FRAC d’Orléans. Photo SD

Dans la pièce noire de l’exposition ne manquez pas le long-métrage de l’artiste  sénégalaise Alice Diop, autrice de plusieurs documentaires sur le quartier de son enfance à Aulnay-sous-Bois et qui s’intéresse « à ceux que l’on ne voit pas, en vue de combattre les idées reçues. » 

Une démarche similaire se retrouve dans les photos de la photographe française Clarisse Hahn dont l’oeuvre « semble hantée par l’idée que l’identité morale et corporelle dépend du groupe social ». Avec ici la présentation d’une série de photos de 2021 Princes de la rue montrant des hommes vivant à Barbès, à Paris. Des hommes qu’elle a peu à peu apprivoisés et qui ont accepté d’être photographiés chez eux dans leur intimité. 

Cette Tendresse Subversive se devait de finir sur un geste de tendresse avec Anila Rubiku, une italienne née en Albanie en 1970. Durant le confinement, elle a redécouvert le chant des oiseaux. Elle a ainsi réalisé 101 collages d’oiseaux en reprenant une phrase du célèbre poème d’Emily Dickinson Hope. On peut aussi voir 18 broderies sur soie représentant là aussi des oiseaux.

Oeuvre d’Anila Rubiku Talked to the birds but they don’t listen to me. Exposition La Tendresse Subversive Frac Orléans. photo SD

Enfin cette exposition s’étire jusque dans le hall des Turbulences avec la projection d’un dessin animé très drôle Flagrant délit de 1979 signé Madelon Vriesendorp & Teri Wehn-Damisch, dans lequel deux tours de New York, style Empire State Building se font des câlins et même un peu plus.

Fréquenter les musées comme une activité vitale

Rappelons aussi qu’Abdelkader Damani a obtenu à son arrivée que l’entrée du FRAC soit entièrement gratuite, grâce à François Bonneau, président de la Région Centre Val-de-Loire, car pour le directeur du FRAC, l’art va bien au-delà d’une forme de loisir : « On devrait faire en sorte par exemple que toutes les Orléanaises et tous les Orléanais prennent l’habitude une fois par semaine d’aller au Musée des Beaux-Arts ou au Mobe ou ici au FRAC ou dans une librairie comme ils vont à la gym ou au yoga. Que ça devienne une sorte de rituel vital tout en acceptant d’être bouleversé.e.s et dérangé.e.s par les oeuvres. »

À lire aussi : la Biennale féministe de Vierzon 

La Biennale Féministe de Vierzon est à découvrir jusqu’au 1er janvier 2023 dans divers lieux de la ville.
L’exposition orléanaise La Tendresse Subversive est elle visible au FRAC d’Orléans jusqu’au 25 février 2023 et ces deux manifestations sont gratuites.

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