Peintre et écrivain, Jean-Gilles Badaire n’est plus 

Né en 1951 à Bourges, Jean-Gilles Badaire, grand peintre, dessinateur et écrivain dont l’atelier est à Huisseau – sur – Cosson s’est éteint, ce mardi, des suites d’une longue maladie. Cet homme d’une vaste culture, passionné, créateur d’une humilité et d’une générosité chaleureuse sans faille, laisse derrière lui une œuvre majeure qui témoigne de l’attachement que lui ont porté les plus grands poètes et les éditeurs de notre temps. D’une dimension internationale, il est aussi l’auteur d’écrits personnels d’une force, d’une sincérité et d’une beauté admirables. Sa peinture nomade est le fruit fruit d’un grand voyageur dont nous gardons le sourire si avenant de profondeur et de sincérité. D’éternité est son travail. D’une immense discrétion et si prégnante.  

Par Jean-Dominique Burtin  

“Marcher dans une solitude heureuse. Photo : Galerie Capazza.

Energie, puissance et délicatesse

L’attachement ébloui pour ce grand créateur qui aimait évoquer sans repentir l’évocation de la figure humaine, la présence de la nature morte, l’attachement pour cet artiste du vivre qui aimait s’engager avec bonheur dans des cycles thématiques d’expression, et tenir quotidiennement ses fameux carnets, livres d’artiste à la volée profonde, émane de notre pays mais, bien entendu, de l’au-delà de ses frontières.  

« Marcher dans une solitude heureuse »

Au terme de sa vie, Jean-Gilles Badaire a eu la force de présenter une dernière exposition, il y a peu, à Nançay, à la galerie Capazza dont il est l’artiste permanent depuis 2005. Cette exposition « Marcher dans une solitude heureuse » demeure visible jusqu’au 4 décembre.  La galerie Capazza : « Nous perdons un ami, un peintre, un auteur, mais surtout un homme de culture au grand cœur dont l’humilité et la discrétion étaient à la hauteur de sa qualité d’artiste. Nous sommes heureux d’avoir pu vivre ensemble ce merveilleux vernissage de l’exposition Marcher dans une solitude heureuse le 8 octobre dernier. Jean-Gilles a beaucoup peint la lumière ces derniers temps, une leçon de courage face à l’adversité de la maladie. “Vivre l’orage” a-t-il titré en partie ses dernières œuvres, il nous aura montré comment faire face avec dignité et lucidité. Merci Jean-Gilles pour tout ce que tu nous as apporté, et pour tout ce que tu continueras de nous apporter à travers ton œuvre. » A la galerie Capazza, un hommage tout particulier lui sera rendu le 3 décembre prochain.  

Jean Gilles Badaire, années 90 à Orléans. Photo : GLG.

« Memento en vert et bleu »

Extrêmement beau et émouvant est aussi la dernière expression du peintre que l’on trouve dans le livre de son ami Yannick Mercoyrol, directeur de la programmation artistique du château de Chambord, ouvrage publié aux éditions Le temps qu’il fait qui s’intitule “Memento en vert et bleu”. Fidélité, célérité et attention des uns et des autres faisant, Jean-Gilles Badaire aura pu le découvrir avant son décès. Ici se retrouve une des dernières séries de peintures de l’artiste, ” autoportraits de l’enfant qu’il fut d’après des photos de famille recueillies “ nous dévoile avec attention Sophie Todescato ,  directrice de la Librairie Les Temps Modernes d’Orléans qui a souvent accueilli le peintre et qui proposera une rencontre autour de ce livre le 9 décembre prochain à 18 h 30.  

Hautes ” Cérémonies” aux cimaises de Chambord  

Bon nombre d’amateur d’art et de lecteurs de ses livres notamment publiés aux éditions Fata Morgana, se souviennent de la somptueuse exposition ” Cérémonies” présentée au Château de Chambord, site où le peintre avait du reste travaillé longtemps comme guide conférencier et qu’il avait même habité plusieurs années.

En 2012, soixante œuvres de Jean-Gilles Badaire  rassemblait ainsi, sur six cents mètres carrés, paysages, portraits, motifs religieux, natures mortes, vanités, magnifique étrangeté de mariées telles des apparitions. En exergue du catalogue que le peintre aimait dédicacer en sortant une boite de pastels de sa poche afin d’offrir un dessin sur la page d’ouverture, Jean-Gilles  Badaire avait placé cette phrase de Georges Bataille issue de La Haine de la poésie. Ce dernier y évoquait avec profondeur « son cœur si las que la ruine a si souvent gagné ». Ces mêmes amateurs d’art se souviennent aussi de son exposition au domaine des Douves, à Onzain, où il avait présenté en 2011, des toiles libres en plein air. 

A Orléans “Tant et Temps” à son écoute

“Désobéir”, sérigraphie Tant et Temps en 1990. Photo : GLG

A Orléans, une légitime rétrospective des œuvres de Jean-Gilles Badaire s’était tenue en 2004 en la collégiale Saint-Pierre- le- Puellier, mais c’est aussi dans les années 1990 que le peintre réalisa, au cœur de l’entreprise Dubois Imageries, à l’invitation de l’association Tant et Temps  dont Jean-Marie Biardeau était le directeur artistique, certaines sérigraphies dont l’œuvre intitulée “Désobéir”.  « Peiner contre un dessin qui refuse le pigment, poignarder le récit de ce même dessin d’un fusain rageur » sont quelques-uns des mots de l’artiste dont l’association accompagna ce travail. Cette sérigraphie figure aujourd’hui avec bonheur dans la collection Tant et Temps de l’Atelier Musée de l’Imprimerie de Malesherbes ainsi que dans celle de l’artothèque de Saint-Maur- des- Fossés. 

Notes d’atelier de Jean-Gilles Badaire

Avec l’aimable autorisation de la galerie Capazza, nous reproduisons ici le texte mis en exergue de l’exposition ” Marcher dans une solitude heureuse”.  

C’est le matin, avec une angoisse sèche qui me bloque. J’entre dans l’atelier, le café fume encore derrière moi, une petite odeur de pigment, de bitume et d’huile de lin surfile légèrement à hauteur d’homme. On travaille ici. Cette sueur de fabrique fatigue les volets, le jour a du mal à entrer, mais la lumière persistante frotte tout de même le fagot maculé de couleurs qui se met à éponger tous les tableaux avortés.

Je me plante là devant le travail en cours. Le mur se confond aux lignes coulées : comme toutes les toiles débordent ! Je regarde, usant de mes doigts comme lunettes, un détail, une phrase en comète, je gratte une boursouflure de couleur, j’estompe de l’index le peu d’épaisseur du trait. Toute allure des mains sur la toile, digressions, qui circulent, se contredisent, s’allient et signalent l’autre versant des choses.” 

Jean-Gilles Badaire, Mali, peintures, juin 1999. 

En savoir plus :

www.galerie-capazza.com

Vidéo du reportage que BIP TV a consacré à l’exposition “Marcher dans une solitude heureuse”: https://www.youtube.com/watch?v=d-S5mH9SBgo

Plus d’infos autrement sur Magcentre: Rencontre avec Jean Gilles Badaire au Temps Modernes (Orléans)

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