“Silent Legacy” au théâtre d’Orléans : deux moments contemporains

Une très jeune danseuse de style krump d’abord, puis une danseuse aguerrie. Silent Legacy, présenté par la Scène nationale mais conçu et dirigé par Maud Le Pladec, la directrice du Centre Chorégraphique d’Orléans, séduit d’abord par sa maîtrise. Beauté du décor simplissime, beauté de la danse. Mais un peu plus d’émotion rajouterait une communication plus profonde.

Par Bernard Cassat

Adeline Kerry Cruz. Photo César Vayssié.

Une première partie porte sur scène une enfant montréalaise, Adeline Kerry Cruz, sur une musique de son mentor Jr Maddripp, qui partage la scène avec elle. Dans un costume bariolé, petite touffe de poils virevoltants, elle danse un moment de krump assez ébouriffé et plaisant.

Quand Audrey Merilus entre en scène, la passation est impressionnante. Dans la lumière diffuse, puis stroboscopique, on dirait deux êtres féériques, la grande silhouette et la petite danseuse plutôt ronde, presque marionnette, dans un bref duo émouvant par sa bizarrerie. La lumière en plus s’empare du rythme de la musique et envoie les deux silhouettes dans un ailleurs merveilleux.

Audrey Merilus derrière Adeline Kerry Cruz. Photo César Vayssié

Et puis c’est Silent Legacy. Audrey s’empare de la scène, la grande scène de la salle Touchard aux coulisses enlevées. Un décor lumineux magnifique mais austère lui laisse un espace immense, une sorte d’écran de cinémascope qu’elle remplit avec une énergie non retenue. Il faut dire que la musique est elle aussi rythmée comme un cœur qui bat, et qui bat fort. Chloé Thévenin, la compositrice de la bande son, reprend le principe du disco, une variation mélodique sur un battement immuable et prégnant. Audrey rajoute ses propres sons, celui de ses efforts, celui de son souffle et de son enthousiasme. Heureusement, elle rajoute ainsi du vécu, de l’humain. Sa prestation magnifique a tout de même quelque chose de froid. Elle colle à la musique, et ses gestes de danseuse, souvent répétés, font comme un discours qui peu à peu s’installe sur la scène, un discours de danse, un discours corporel.

C’est magnifique, quand elle traverse la scène en sautant légèrement, presque joyeusement. Ou quand elle s’arrête soudain, en position de coureur prêt à prendre le départ d’une course. D’ailleurs il y a quelque chose, dans sa danse, de la solitude d’une coureuse de fond. Parce qu’au delà de la beauté esthétique, de la justesse des gestes et de l’énergie partagée avec la musique, on ne sait pas vraiment si elle exprime quelque chose. Si elle communique, si elle dialogue avec nous. C’est franchement très beau, mais très froid. D’ailleurs à un moment, la lumière devient la seule danseuse sur scène, et la beauté est toujours là, avec toujours la même énergie.

Une distance émotionnelle

La danse contemporaine a connu de nombreuses recherches, des explorations brillantes qui ont fait avancer ce mode d’expression à une vitesse incroyable. Silent Legacy en est l’héritière, peut être d’ailleurs comme le nom du spectacle l’indique. Mais il est étonnant que ce travail important et très au point ne se tourne à aucun moment vers une émotion créée par le corps dansant, vers une possibilité de communication par la sensibilité. La musique elle non plus n’est pas franchement romantique. C’est aussi cela, peut être, l’héritage du XXe siècle, une distance qui s’est installée progressivement et qu’on retrouve très souvent aujourd’hui.

Plus d’infos autrement: Théatre d’Orléans : chambre avec vue sur les ruines de la modernité

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