“L’Ile rouge”: un enfant aux colonies

Dans un film autobiographique, Robin Campillo revisite son enfance à Madagascar sur une base de l’armée française au moment où, en 1970, elle doit quitter son ancienne colonie : une page d’histoire vue à hauteur de regard d’un enfant.

Par Gérard Poitou


Le film s’ouvre par une séquence animée de “Fantomette”, l’héroïne sortie de l’imaginaire d’un garçon de huit ans qui lit caché dans une vieille caisse en bois, cachette et poste d’observation de la maison familiale, entre la plage et la base militaire où sert le père adjudant. Avec ce dispositif fictionnel, Robin Campillo bâtit le récit de sa propre enfance, récit qui entrecroise un destin familial où les tensions vont grandissantes, et un destin historique avec l’affirmation de l’indépendance de Madagascar. Le spectateur est plongé dans cette naïveté enfantine comme le dédoublement de celle des adultes qui s’extasient devant la beauté d’une île dont ils ignorent les habitants.

“Vous venez d’atterrir sur le plus bel endroit au monde, le lieu de tous les plaisirs. Vous allez être comme dans un cocon familial, plein d’amour et de bienveillance.”

La fin des illusions

Cette chronique de la fin des illusions se dédouble ainsi entre l’enfant qui voit sans comprendre et l’adulte qui ne voit pas pour ne pas comprendre. Cette vie autarcique loin de la métropole en est pourtant marquée par l’histoire : entre la fin de la guerre d’Algérie et les échos de mai 68 d’une mère qui s’émancipe. Ce microcosme est observé par un enfant que son déguisement en Fantomette (avec ce masque pour mieux souligner le regard) ne protège pas de cette lente et imperceptible désagrégation du monde qui l’entoure, jusqu’à la première “arête” amoureuse avec sa copine qu’il va devoir quitter car ses parents vietnamiens décident de rester sur l’île.


Avec ce regard enfantin mis en abîme, Robin Campillo donne une sensibilité particulière à cette chronique de la fin du paradis des expatriés militaires, et ce décalque du monde de l’enfance restitue l’inconscience aveugle des adultes, jusqu’à cette scène finale qui dévoile la collusion de la France dans la répression des opposants locaux, événements qui rappellent à la population malgache la violence de la répression de l’insurrection de 1947 qui fit alors plusieurs milliers de victimes malgaches, quand l’île était rouge du sang d’une tragédie coloniale oubliée.

L’ile Rouge

Réalisé par Robin Campillo

Avec Nadia Tereszkiewicz, Quim Gutiérrez, Charlie Vauselle, Amely Rakotoarimalala, Hugues Delamarliere

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