De Tronçais au Berry, l’ancien photographe à Libération milite pour la biodiversité

Le 15 octobre 2023, Christian Weiss, l’ancien photographe de Libération a tenu une conférence sur le photojournalisme militant des années 1970 à l’invitation de l’association du Bistrot Culture d’Ainay-le-Château. Il présentera à nouveau ses images à Saint-Amand-Montrond en 2024.

Par Alexandra Adam.

Christian Weiss a notamment collaboré avec Libération et Charlie Hebdo.


Le diaporama qui fait défiler les photos d’une longue et riche carrière s’ouvre sur le regard d’un jeune homme aux cheveux bouclés qui tient dans sa main son appareil photo. Il est debout, au milieu d’autres photographes. Mais il est le seul à regarder l’objectif en face.

Quarante ans plus tard, c’est au public de l’association du Bistrot Culture, à Ainay-le-Château (03), que Christian Weiss livre ses souvenirs de reportages militants réalisés dans les années 70. Son visage, toujours entouré de boucles, n’a rien perdu de sa détermination.

« Les photojournalistes ne sont pas des presse-boutons, souffle-t-il en préambule. Au moment d’appuyer sur le déclencheur, l’image est d’abord passée par la tête et le cœur ». Projeté à l’écran, un portrait de famille tsigane capturé dans le village berrichon Ennordres (18) s’affiche en grand. 

Le photographe de toutes les luttes

Photojournaliste pendant plusieurs années pour le quotidien Libération, il tient à raconter l’envers du décor en livrant les coulisses de son premier métier. Il se souvient notamment de l’occupation de l’usine Margoline, à Gennevilliers en 1973, comme si c’était hier.

« Les travailleurs immigrés n’avaient pas de carte de travail, se rappelle Christian. Ils travaillaient douze heures par jour et dormaient dans des abris en tôle. » 

Il ne dissimule pas sa fierté en commentant la photo de Marie-Claire Chevalier, qui sort victorieuse de son procès pour avortement illégal en 1972, accompagnée de son avocate Gisèle Halimi.

Il a aussi photographié les ouvriers de Talbot à Poissy et les premières manifestations parisiennes contre le racisme en 1980. « C’était le début des assassinats de jeunes immigrés dans la rue. Des ratonnades étaient organisées et on en parlait assez peu, sauf dans les journaux de gauche. »

Christian Weiss photographie Jean-Paul Sartre au micro de Jacques Chancel à France Inter.


Des clichés publiés cette année dans 50 ans dans les yeux de Libé

De toutes les luttes, Christian a couvert les premières mobilisations du Mouvement de libération des femmes pour le soutien à l’avortement en 1975. L’un de ces clichés, parmi une dizaine d’autres, a d’ailleurs été sélectionné dans l’ouvrage 50 ans dans les yeux de Libé publié aux éditions du Seuil en 2023.

Une exposition qui retrace un demi-siècle d’existence du journal a mis en valeur ce livre inédit pendant le festival des Rencontres de la photographie d’Arles. On y retrouve aussi des photos du Larzac, dont la défense des terres sous le slogan « Des moutons, pas d’canons » a mobilisé jusqu’à 100 000 personnes au plus fort de la lutte en 1975.

Lors de ses reportages, il dormait dans les fermes. Et quand c’était pour la fabrique de montres LIP, à Besançon en 1977, il était aussi hébergé chez des ouvriers. « Les photographes militants étaient bien accueillis, confie-t-il, parce qu’ils étaient vus comme des porteurs de parole. »

Celui qui a suivi les manifestations du personnel et des étudiants contre l’amiante dans la fac de Jussieu en 1977, rapporté la marée noire à Portsall du supertanker américain l’Amoco Cadiz en Bretagne en 1978 et documenté la catastrophe de Tchernobyl en s’approchant au plus près du sarcophage du réacteur en 1988, était aussi au Portugal en 1974 lors de la Révolution des Œillets. 

Après son départ de Libération en 1975, dans un contexte de diminution drastique du nombre de photographes, il participe avec sept de ses anciens collègues à la fondation de Fotolib, une agence de photographie issue directement de Libération.

« Nos locaux étaient situés juste à côté de ceux de Libé, retrace Christian. Nous avons été rapidement rejoints par d’autres photographes pigistes. » L’aventure s’arrête en 1979 et c’est au journal La Gueule ouverte qu’il atterrit ensuite.


Voyant comment l’emploi des photographes de presse évolue, Christian décide de tourner définitivement la page et fait le choix de se réorienter à l’âge de 47 ans. Il se réinscrit à l’université Paris VIII et se retrouve au département de géographie. Il y décroche une licence, un master et va jusqu’en thèse. Dans la foulée et avec d’autres ingénieurs, le spécialiste de l’écologie crée ensuite un bureau d’études à la fin des années 90.

L’ingénieur écologue créée l’association Cybèle

Devenu ensuite chargé de cours, il enseigne sa spécialité jusqu’en 2013. Proche du naturaliste et écrivain François Terrasson, membre cérillois fondateur des journalistes-écrivains pour la nature et l’écologie dont il fait aussi partie, le biologiste vient régulièrement en forêt de Tronçais où il organise des master classes pour ses étudiants parisiens. « C’est d’ailleurs lui qui m’a donné envie de m’installer ici en 2014. »

Très impliqué dans la vie associative locale, il crée l’association Cybèle en 2022 au nom de laquelle il se déplace notamment dans les établissements scolaires du secteur pour sensibiliser les élèves aux enjeux environnementaux et les inciter à la préservation de la nature. 

La prochaine intervention est prévue samedi 25 novembre dans le cadre d’une conférence autour du bocage de Sidiailles avec l’animation d’une balade commentée pour « orienter sur les origines du bocage, donner des identifications sur les arbres et arbustes et faire lecture de paysage ».

Une seconde conférence sur le photojournalisme militant des années 1970 aura lieu à la librairie Sur les chemin du livre à Saint-Amand-Montrond dans le courant de l’année 2024. D’ici-là, il est possible d’admirer plusieurs images de Christian Weiss au musée des Archives nationales qui les exposera au format 2,50 x 4 mètres et dont le vernissage aura comme invitée d’honneur la ministre de la Culture au mois de décembre. 

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Commentaires

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  1. Merci pour cet article, quel parcours ce monsieur Weiss, on remercie le photographe qui a saisi l’instant le montrant en train de photographier JP Sartre dans les locaux de Libé, magnifique !

  2. l’exposition aux archives nationales à Paris débutera le 10 novembre avec un vernissage ce jour là …

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