Tours : l’opposition de droite au bord de la crise de nerfs

Depuis sa défaite en 2020, l’opposition de droite à Tours peine à trouver un positionnement politique, débordée par les mésententes et par les résultats électoraux catastrophiques qui s’enchaînent. Désormais, les outrances et les fake news sont devenues les points cardinaux de sa communication, à tel point que la majorité de gauche, alarmée par les dérapages qui s’accumulent, songe à saisir l’autorité judiciaire pour mettre un stop.

Par Joséphine

Une droite en miettes

Toujours pas remise de la crise de succession de Serge Babary, surnommé l’éphé-maire lorsqu’il avait décidé de quitter son poste à mi-mandat pour filer sous les ors du Sénat en 2017, la droite à Tours reste depuis lors fracturée : LR-pro Briand, LR-pro Paumier, LR-sans écurie, UDI, Radicaux-Valoisiens, droite dure catho tentée par un rapprochement avec le RN et Reconquête, nouveaux venus d’Horizons ou arrière garde macroniste… Bref, quasiment autant d’ambitions personnelles que de partis ou de courants, en une drôle de salade composée, du reste joliment épicée d’inimitiés, de querelles et de comportements claniques si typiquement tourangeaux.

Cette dynamique centrifuge avait d’emblée compliqué la conduite de la Mairie par l’équipe Bouchet qui avait succédé à Babary. Les tensions internes accumulées et les démissions en cascade avaient logiquement abouti ensuite à une campagne ratée pour la droite aux municipales de 2020, avec comme point d’orgue la fusion entre les listes de Christophe Bouchet et de Benoist Pierre pour le second tour, fusion pour le moins explosive, avec des personnalités évincées qui se répandent dans la presse ou des candidats qui boudent et refusent de faire campagne avec leurs camarades de fortune.

La défaite ayant du mal à passer, on a découvert un Christophe Bouchet passablement aigri, rendant le Covid et l’abstention des personnes âgées responsables de sa défaite, adoptant un ton agressif voire insultant en Conseil Municipal, n’hésitant pas à user de la rumeur et de la vie privée pour occuper encore l’espace, et ce alors qu’il se retrouvait isolé à la Métropole, cornerisé par Briand et Augis qui ne l’apprécient guère.

Après la gauche caviar, la droite bobard

 

Tours: conservatoire Francis Poulenc

Mais au-delà de ces petites colères depuis trois ans, c’est un phénomène plus inquiétant qui émerge de l’opposition, celui de l’incorporation dans son répertoire politique de l’outrance et des fake-news, en une sorte de trumpisme ligérien, le succès sur twitter en moins. Les exemples sont légion et ont été crescendo, mais la semaine dernière, on a atteint un sommet du genre. Ainsi, le groupe d’opposition « Tours Nous Rassemble » – dirigé par Christophe Bouchet -, vociférait sur les réseaux sociaux :

« La municipalité d’Emmanuel Denis persiste dans sa croisade contre la culture, cette fois en fermant des classes à horaires aménagés liées au Conservatoire de Tours (…) Ce sont à présent les étudiants des classes CHAM-CHAD (Classes à Horaires Aménagés Musique et Danse) qui subissent les conséquences de cette approche étriquée. Alors que le lycée Paul-Louis Courier accueille actuellement ces jeunes talents prometteurs, l’annonce de la fin de ce dispositif en l’état pour l’année prochaine jette l’ensemble de la communauté éducative, des élèves et des parents dans une incertitude profonde (…) L’absence de concertation et d’information relève encore une fois d’une méthode brutale(…) L’enseignement d’excellence au Conservatoire ne saurait être sacrifié sur l’autel de la démagogie (…) Nous ne pouvons tolérer le déclin de Tours, ville d’art et de musique, qui risque dorénavant de voir partir nos talents vers les villes voisines. »

Le lecteur peu au fait de la situation pourra y voir une héroïque dénonciation de ce qui ressemble à un épisode des heures les plus sombres d’un bolchévisme ayant décidé de traiter par le feu tout ce qui pourrait de près ou de loin perpétuer la culture bourgeoise. Il semblerait donc que Vladimir Illitch Denis veuille se payer les élites et faire des copeaux à permaculture avec les violons du Conservatoire.

En réalité, il n’en n’est rien. Les accusations sont même à tel point fausses, que la majorité actuelle aurait sollicité des juristes afin d’évaluer la pertinence d’un dépôt de plainte en diffamation, certains poids lourds à gauche considérant que l’opposition dérape de plus en plus et qu’il va falloir y mettre un stop, ferme et officiel.

L’Éducation Nationale, souverain en son domaine

Concrètement, c’est le Directeur des Services Départementaux des Services de l’Éducation Nationale (DSDEN) qui est compétent en la matière, c’est donc lui, pour s’aligner sur les textes officiels qui concernent les classes à horaires aménagés, qui a initié la réforme. Ces classes de collège, situées dans l’enceinte du Conservatoire de Tours, relèvent de l’administration du Lycée Paul-Louis Courrier, en une sorte de vide juridique qui n’est pas conforme ni aux textes ni à l’esprit de ces dispositifs artistiques. Le DSDEN a donc tout à fait légitimement et sans avoir à associer une quelconque collectivité, choisi de normaliser la situation : plutôt que d’avoir huit classes artistiques isolées dans l’enceinte du Conservatoire, sans direction propre, il a choisi de les redéployer dans deux collèges. Les classes d’horaires aménagés musique seront intégrées au collège Anatole France, celles de danse au collège Michelet.

Donc non, les classes à horaires aménagés ne disparaissent pas, elles sont juste déplacées de quelques centaines de mètres et mises en conformité avec les textes officiels qui précisent que « les zones d’éducation prioritaire doivent accueillir de telles classes le plus souvent possible », le DSDEN ayant donc fléché ces classes vers les collèges Michelet et Anatole France qui sont ceux qui reçoivent les enfants du Sanitas, tout comme d’ailleurs c’est le collège La Bruyère à Tours Nord, en plein quartier d’habitat social, qui accueille les classes à horaire aménagé théâtre. Et donc non, Emmanuel Denis n’est pour rien dans la décision, qui relève légitimement et légalement de l’administration de l’Éducation Nationale.,

Hystérie à but électoral

Pour clore ce panorama de mauvaise foi politique, notons également que le DSDEN a enclenché toutes les instances officielles ou consultatives pour le transfert de ces classes et qu’il a même accepté de rencontrer les associations de parents d’élèves pour discuter et les rassurer, et ce alors que rien ne l’y oblige. Il semble également qu’il rencontre bientôt des élus de Tours pour faire le point, alors même qu’aucun échange formel n’avait été organisé jusque là.

Tout est donc faux dans la prise de parole publique de « Tours Nous Rassemble » qui accepte ainsi de jouer le jeu de l’intox à des fins politiques, tentant de surfer sur la peur de parents d’élèves qui défendent probablement un peu le droit à l’enseignement artistique mais aussi et surtout, la conservation de cet entre-soi rassurant, dans lequel des enfants peuvent aller du CP au Doctorat en Musicologie et aux diplômes de Conservatoire dans un périmètre de quelques dizaines de mètres. La lecture des commentaires des signataires de la pétition pour le maintien du status-quo est à cet effet, très éclairant.

L’opposition de droite peut tout à faite mener la noble bataille de l’entre-soi, mais jouer le jeu des fake-news et de la dégradation du débat public, c’est une autre affaire.

PS : entre la rédaction de ce billet et sa publication, « Tours Nous Rassemble » a communiqué sur un autre scandale – le guirelande-gate -, avec la brutalité supposée de la suppression des illuminations de Noël par Emmanuel Denis. Là encore, fake, les rues commerçantes restent décorées, seules les rues des restaurants et les quartiers périphériques n’auront plus de dispositifs clignotants, et ce pour cause d’économies et de limitation des pollutions lumineuses.

Commentaires

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  1. La droite de ce pays n’est plus républicaine. Jamais sous la 5 ème République il y a eu autant de fake News, de détournements, de casses des services publics et sociaux, des droits des salariés, des chômeurs, etc.
    La droite macronienne et ses alliés de l’extrême-droite mentent, insultent leurs opposants, les traitent de terroristes.
    Cette droite macronienne, jupiterienne casse la représentation nationale en utilisant les 49,3, tue la démocratie, interdit l’expression du peuple mais autorise celles des dictatures.
    Cette droite a été mise en place par une soi-disant gauche représentée par Hollande, Cazeneuve, Cahuzac, Moscovici, Fabius, Touraine et bien d’autres.
    Il est à espérer que celles et ceux qui se sont proclamés de gauche en s’alliant autour d’un programme d’union, pour un avenir en commun et des jours meilleurs ne rentrent pas dans ce jeu machiavélique qui est celui des intérêts des plus riches au détriment des peuples, de la nature, sinon la fin de l’humanité est proche… j’espère mais j’ai quelques inquiétudes.

  2. Qui sera gagnant dans la bataille de l’outrance? Les accusations portées par cet article contre les parents d’élèves semble bien prendre la tête du peloton. Ces derniers se retrouvent au centre d’une bataille politique qui ne les concerne pas. En démocratie, le peuple peut s’exprimer et contester la décision solitaire d’un haut fonctionnaire. Celui-ci, malgré sa grande sagesse, n’est pas exempt de lacunes, voire d’idéologie. Ce refus que nous portons, c’est celui de la vraie vie contre la statistique. Il est question dans ce projet de réduire de moitié la part d’enseignement artistique. C’est à ce point insensé qu’on peut effectivement se poser la question d’une attaque contre la culture classique assimilée à une élite bourgeoise sclérosée. S’attaquerait-on au sport de la même manière? Si vous divisez par deux les cours d’instruments et de formation musicale, vous ne pouvez pas espérer un même résultat. C’est simple à comprendre. Le deuxième point problématique, c’est la mixité non pas sociale mais scolaire au sein des futures classes. Ainsi que cela s’applique dans plusieurs CHAM-CHAD en France affectées pas cette réforme, les enfants en horaires aménagés quitteront leurs collèges tandis que les élèves sans options artistiques continueront les cours. A charge aux enfants musiciens-danseurs de rattraper les cours à la maison. Sachez que ces mêmes enfants, pour tenir le niveau doivent avoir une pratique quotidienne chez eux de l’instrument de musique. Comment les enfants restants en classe vivront-ils cette disparité? Les parents sont en colère non pas par positionnement politique ou réflexe grégaire mais parce qu’ils savent la masse de travail et d’énergie que demande l’apprentissage de ces arts classiques. Il y a des années d’efforts et de discipline à accepter, en famille et pour chaque élève. Les plus motivés essaieront de continuer malgré tout mais comme le montrent de nombreux exemples, le niveau va baisser et le maintien de cette structure ne se justifiera plus. Le Dasen veut « parier » sur sa merveilleuse idée. Le résultat de son jeu de dés se vérifiera dans quelques années et il ne sera probablement plus là mais ira démolir ailleurs.

  3. Chère Josephine,
    Le titre de votre article est semble-t-il mal choisi. Ce n’est pas “L’opposition de droite au bord de la crise de nerf qu’il aurait fallu titrer mais “Défense et illustration d’un pauvre maire injustement attaqué par son opposition”… Vous nous avez habitué à traiter les sujets sur le fond (en l’occurence, il s’agit ici des classes à horaires aménagés) mais ici on a l’impression que vous jouez les pompiers de service pour sauver l’équipe municipale et en profiter pour dézinguer la droite locale qui le mérite bien. Mauvaise humeur ?

  4. @ Nicolas Maire : merci d’illustrer parfaitement mon propos, c’est génial. L’héroïsation ego-centrique “apolitique” du propos force le respect.

  5. @Camuse37 : je crains que vous n’ayez mal lu l’article qui met bien en perspective un processus politique à l’oeuvre à droite, le tout dans une bonne humeur certaine.

  6. bisbilles assez classiques au demeurant : il suffit de regarder le ramdam fait par l’opposition orléanaise de gauche sur le sujet … de la culture précisément

  7. Chère Josephine, il ne faut pas avoir la memoire courte… lorsque la majorité actuelle était dans l’opposition certains de ses membres excellaient dans ce type de pratique…

  8. A vous lire chère Joséphine, il m’arrive souvent de penser que la droite orléanaise est somme toute plus consommable que la tourangelle, un peu comme les rillettes de Clery St André qui sont très supérieures à celles de Tours, mais il est vrai qu’ici la droite exerce le pouvoir ce qui la prédispose plus au manque d’imagination et à l’ennui qui en découle qu’à la frustation et l’hystérie. Au moins, la votre est plus distrayante.

  9. @camuse37 : pourriez-vous préciser ici qui et à quel sujet? J’ai l’impression que vous battez en touche avec un bien commode renvoi dos à dos. Quelles fake-news ont été reprises par la presse en montant en épingle des informations sciemment faussées, le tout avec un ton outrancier ? Merci d’avance

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