Chambord : bientôt l’heure des grands travaux ?

Malgré ses 1 053 943 visiteurs en 2022, une hausse de ses ressources propres, la valorisation de sa marque ou le développement du mécénat, le domaine national de Chambord doit désormais se préoccuper de la sauvegarde patrimoniale du château. Une urgence qui sera inscrite dans son plan Chambord 2030.

Par Jean-Luc Vezon

Derrière la belle façade d’un monument prisé des touristes ou des amateurs de méga concerts en plein air (Sting en 2022, Imagine Dragons cette année ou David Guetta le 29 juin prochain), le château de Chambord serait-il menacé ? « Il y a de sérieuses dégradations au niveau des poutres de certaines salles du château qui menacent de s’effondrer », a ainsi révélé la nouvelle direction.

Après 12 années de règne en tant que directeur général de l’établissement public industriel et commercial, Jean d’Haussonville peut certes avancer un bilan flatteur marqué notamment par la création des Jardins à la Française façade Nord, la restauration des lanternons, la plantation d’un vignoble ou encore la déclinaison de la marque en différents produits, il reste que certains aspects de la gestion sont pointés dans un rapport de la Cour des comptes rendu public le 10 novembre dernier.

« Malgré les ressources dégagées par la croissance du nombre des visiteurs, la situation de l’EPIC, qui dispose d’une forte autonomie financière, ne s’est pas améliorée en termes de résultat financier, rendant incertaine sa capacité d’investissement future », peut-on lire sous la plume des magistrats de la rue Cambon. Les sources potentielles de recettes, sur lesquelles le domaine fonde beaucoup d’espoir, comme la valorisation de la marque et le projet de vente de crédits carbone de la forêt, resteraient ainsi incertaines.

En outre, si l’établissement a su tirer des ressources importantes de sa politique de mécénat (1), la mise en œuvre de celui-ci doit être mieux encadrée par la charte de mécénat et les contreparties mieux définies. Pire, la diversification des ressources buterait aujourd’hui sur une rentabilité incertaine.

La Cour des comptes formule ainsi huit recommandations, notamment le renforcement du rôle du conseil d’administration, la mise en place rapide d’outils de contractualisation entre l’EPIC et ses tutelles (documents de programmation stratégiques, contrat d’objectifs et de performance, lettre de mission du directeur général) et l’instauration en son sein d’un comité des investissements et d’audit.

Le rapport demande également la poursuite et la modernisation du plan d’action en matière de ressources humaines consécutif à l’audit social effectué en 2022 et la formalisation d’une stratégie de développement économique avec la mise en place d’un réel pilotage économique des activités du Domaine.

Enfin, gros morceau, il s’agira de finaliser en 2024 le futur schéma directeur des opérations patrimoniales du Domaine, de renforcer sa maîtrise d’ouvrage afin de faire gagner en fluidité et efficacité la chaîne patrimoniale et d’établir un inventaire et un état sanitaire précis des collections.

Un plan Chambord 2030

Les fragilités structurelles du château de Chambord ont même été abordées le 25 octobre 2023 à l’Assemblée nationale en commission des affaires culturelles et de l’éducation au sein de laquelle siègent les députés loir-et-chériens Roger Chudeau (RN) et Christophe Marion (Renaissance).

Pierre Dubreuil, directeur du Domaine national depuis le 19 janvier 2023 a bien conscience de l’urgence de la situation. Comme il l’a annoncée publiquement, sa priorité consistera dans la sécurisation de ce joyau de la renaissance inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1981. « Dans l’aile François 1er, des planchers menacent de s’effondrer. Le phénomène n’est pas nouveau mais nous avons dû fermer des salles et j’ai naturellement alerté mes ministères de tutelle », déclarait-il à nos collègues de la NR le 5 novembre dernier.

Avec ses équipes, l’ancien directeur de l’OFB travaille ainsi sur les orientations d’un plan « Chambord 2030 » que devrait voter dans les semaines à venir le conseil d’administration présidé par Philippe Donnet (Generali). Il s’agira de rattraper le temps perdu.

« Beaucoup de choses ont été faites avant mon arrivée mais on a eu tendance à privilégier la croissance de la fréquentation. Le mécénat ne suffit pas. Les sommes en jeu pour consolider le château sont d’une tout autre nature. Et il n’y a que l’État qui peut payer la facture. Mon objectif est d’obtenir des financements pour 2025 à hauteur de 10 millions d’euros par an pendant 10 ans. C’est un minimum », précisait aussi Pierre Dubreuil.

On l’aura compris, fini les flonflons, place désormais à la gestion et à « une stratégie de croissance rentable » pour cette locomotive du tourisme loir-et-chérien qui rappelons-le, quand même dégageait 75 % de recettes propres dans son budget en 2022 (31,8 M€ en 2021 pour 244 ETP dont 175 permanents). Un record pour le secteur public.

(1) Entre 2010 et 2022, le mécénat a représenté 22,3 M€ de ressources, soit une moyenne de 1,9 M€ par an.

Séquestrer le carbone pour protéger la biodiversité

Pierre Dubreuil devra également traiter un autre sujet, celui de l’impact du réchauffement climatique pour le domaine forestier. Le Domaine national de Chambord et ses partenaires EDF et La Belle Forêt se sont ainsi engagés le 22 novembre 2023, dans un projet d’envergure dont l’ambition est la valorisation d’unités de réduction d’émissions de gaz à effet de serre (crédits carbone) générées grâce à la conservation de peuplements forestiers en bonne santé.

Chambord s’engage à mettre en œuvre pendant 30 ans une gestion forestière conservatoire de 811 hectares de peuplements. Ce type de gestion, accompagnée d’un ensemble d’actions en faveur de la biodiversité, permet de générer des unités de réduction d’émissions carbone françaises, durables, qui seront vendues à des entreprises engagées dans la transition écologique.

Les revenus inhérents financeront des actions de préservation et de résilience de la forêt et de sa biodiversité face au changement climatique.

40 % des arbres du domaine risquent de dépérir menacés par le changement climatique. Crédit photo Jean-Luc Vezon

Plus d’infos autrement sur Magcentre : Le domaine national de Chambord lance son carbone forestier

Commentaires

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  1. Les travaux sont indispensables, on remarque bien sur votre photographie du chateau que le monument s’enfonce dangereusement à gauche dans la glaise solognote…

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