« Rebecca c’est moi » de Patricia Voisin : La passion ou rien ?

Publication du huitième ouvrage de Patricia Voisin Rebecca c’est moi. Comme toujours dans ses romans, l’écrivaine orléano-berrichonne brode sur le thème de l’amour. Son écriture ciselée et précise plonge dans les tourments de l’âme féminine : une introspection sans concession. Rencontre avec une autrice qui trempe sa plume dans le chaos des sentiments mais loin des romans à l’eau de rose.

Par Sophie Deschamps

Patricia Voisin, autrice de Rebecca c'est moi

Patricia Voisin, autrice de Rebecca c’est moi. Photo Sophie Deschamps


Rebecca c’est moi 
raconte l’histoire d’une actrice de théâtre, Rebecca, qui vit seule à Paris. Elle essaie de se déprendre de Tom, follement aimé mais toxique pour elle car alcoolique, volage, menteur, inconstant… Encore blessée, elle entre peu à peu dans une autre histoire d’amour mais ne risque-t-elle pas à nouveau de se brûler les ailes ? Heureusement, un projet de théâtre adapté de La Vagabonde de Colette où elle décroche le premier rôle lui permet de tenir la tête hors de l’eau…

 

Patricia Voisin, pourquoi le choix de ce titre, Rebecca c’est moi ?

J’ai souvent besoin d’avoir en tête un titre (même provisoire) avant de commencer à écrire. Cela m’aide à visualiser. Alors pourquoi Rebecca ? Petit clin d’œil au roman mythique de Daphné du Maurier. Pourquoi Rebecca c’est moi ? Flaubert bien sûr et sa phrase légendaire : « Madame Bovary c’est moi ! » On met forcément une grosse part de soi dans ses livres. En tous cas, c’est ainsi que je fonctionne. Et puis autre clin d’œil lié au nom de famille de l’héroïne, qui va enfin briller au fronton d’un théâtre : Rebecca Saymoi !


Ce texte est-il autobiographique ? 

J’ai envie de répondre oui et non. Oui parce qu’au fond, cette Rebecca quadra, un peu larguée dans sa vie, un peu malheureuse un peu désemparée, désenchantée, désabusée, c’était moi il y a une quinzaine d’années. Mais je pense aussi que c’est le lot de toutes les femmes trahies et méprisées. On est toutes des Rebecca à un moment donné de nos vies. On a toutes rêvé, espéré, et l’illusion sur laquelle on avait forgé nos convictions, elle peut être tenace et nous faire croire longtemps à ce qui n’est plus.  


A-t-il été facile ou difficile à écrire ?

J’ai la chance d’avoir un style assez fluide et « fil de la plume » si je peux dire. Mais évidemment parfois, c’est dur de trouver la juste mélodie, le timbre des mots, la douceur ou bien le tempo acide qui convient à tel ou tel passage. La lecture à haute voix, pour moi, c’est la clef ! Je « sens » quand il manque un mot, une note, presque… 

Un exemple de passage qui m’émeut toujours et me ravit à la relecture (pp 50-51). C’est un long passage. Mais je l’adore. Un petit extrait : « Tu es celui qui aurait pu, qui aurait dû. Tu es l’homme de ma démesure, l’homme que je porte en moi comme un vieil étendard invisible à tous. Mon chevalier impossible, mon prince inexistant. Ton panache est terni. Ta monture fourbie. »
Le mieux est de lire le livre, n’est-ce pas ?


Avez-vous dû retravailler certains passages ?

Bien sûr. Parfois ça va vite. Parfois, je remets l’ouvrage sur le métier.


Êtes-vous satisfaite d’une phrase ou d’un paragraphe quand il sonne juste ? 

C’est l’un de mes bonheurs d’écriture : être satisfaite d’un paragraphe par exemple. Ne plus y toucher et à la relecture, me dire que ça sonne juste, en effet.


Est-ce un plaisir de créer des personnages même s’ils sont inspirés de personnes réelles ?

C’est l’autre bonheur d’écriture : créer un monde, un univers, même si ce monde de fiction utilise la vraie vie pour se construire. Je ne pars jamais du vide. Cette Rebecca, elle ne me ressemble pas du tout physiquement, elle n’a jamais été mariée, n’a jamais eu d’enfants, c’est une actrice de théâtre à l’aube d’une belle carrière. Ce n’est pas moi. Mais j’ai mis dans ce personnage beaucoup de mes démons intérieurs. Je me suis inspirée aussi de certains hommes qui ont traversé ma vie bien sûr. Certaines de mes amies également. J’ai utilisé des lieux que j’avais visités : l’appartement de Rebecca avec la baignoire dans la chambre, j’y suis allée une fois, il existe sur les bords de Loire…


Votre livre suggère-t-il que la passion amoureuse n’existe que dans la tête des femmes ?

En tous cas, il me semble que c’est leur grande affaire. Voyez Passion Simple d’Annie Ernaux. Irrationnelle, Eclatante. Dangereusement indispensable. Vibrer quoi ! On en a besoin. 


Vous parlez aussi beaucoup de l’attente amoureuse et de la solitude. Est-ce le prix à payer pour vivre des instants d’amour absolu ? 

Oui le roman évoque cela : l’attente amoureuse. Aimer, être aimée. Evidemment la passion n’est pas l’amour. Comme chacun sait, la passion détruit et fait souffrir mais avant les ravages, les naufrages, les saccages, il y a ces moments magiques, hors du temps, qui valent le prix à payer. Après il faut guérir…


Le personnage de Léo, le metteur en scène qui donne à Rebecca un rôle à sa mesure est-il un prétexte pour dire que l’amitié est possible entre un homme et une femme ?

Mais l’amitié c’est une forme d’amour. Léo est le seul personnage masculin « positif » dans le livre. Peut-être justement parce que Rebecca le voit comme un être asexué. 


Rebecca travaille en tant qu’actrice sur une adaptation du livre « La Vagabonde » de Colette. Vous en parlez comme d’un texte très moderne, pourquoi ? 

Colette a écrit ce texte en 1910. L’action de mon roman se situe un siècle après. Colette, la saltimbanque de 1910 parle à Rebecca de 2009, parle à toutes les femmes en quête d’amour meilleur. Son texte est résolument moderne parce qu’elle ose dire au tout début du XXe siècle qu’elle préfère la solitude à un amour médiocre ! Et on sait combien Colette va prendre sa vie en main. Rien n’a changé dans le cœur des femmes. Leur condition a changé (fort heureusement), leur place dans la société aussi, mais le cœur… lui …  


Propos recueillis par Sophie Deschamps

« Rebecca c’est moi » de Patricia Voisin. À commander chez votre libraire ou auprès de la maison d’édition Jour J. Éditions.com


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