400 personnes – élus, préfet et une majorité d’anti-éoliens… – étaient réunies lundi soir à Déols pour parler écologie. Mais bien que la soirée s’intitulait « Energies renouvelables dans l’Indre, faisons le point », les énergies renouvelables ont disparu du débat derrière les éoliennes. Elles balaient le bon sens paysan et jettent le trouble dans nos campagnes.
Thibault Lanxade (au micro) ne s’est pas dérobé et a fait face aux adversaires des éoliennes – Photo PB
Par Pierre Belsoeur
Lorsqu’un collectif rassemblant une vingtaine d’associations anti-éoliennes organise un débat on peut imaginer que les moulins à vent vont en prendre pour leur grade. En quittant le centre socioculturel de Déols, plein comme un œuf lundi soir, on pouvait avoir le sentiment que la seule énergie renouvelable qui vaille était le nucléaire. Les 400 personnes présentes ont jubilé en écoutant Fabien Bouglé condamner à mort, en six coups de dague, la filière éolienne.
Pour ce militant souverainiste (et Versaillais, ça ne s’invente pas), tout ça c’est la faute aux Allemands qui essaient de saper notre industrie nucléaire (dont ils ont fait l’erreur de sortir, c’est vrai) et tiennent le marché de l’éolienne. Pourtant si la France est en vert sur la carte de l’Europe de Fabien Bouglé « grâce à notre électricité nucléaire » alors que l’Allemagne, premier parc éolien est en marron, il ne s’attarde pas sur l’Espagne, en vert elle aussi et qui tire 22% de son énergie de l’éolien pratiquement à égalité avec le nucléaire. Est-ce vraiment la faute des éoliennes ?
Le vent de la discorde
Mais au-delà de cette démonstration fracassante, une évidence est apparue au cours de ces échanges. L’appât du gain pour des petites communes privées de moyens et le mirage du modernisme ont entraîné une multiplication des installations dans l’Indre et semé la zizanie dans les communautés villageoises. Non seulement elles divisent les pro et anti éoliennes, mais lorsque les enquêtes publiques témoignent d’une opposition au projet allant jusqu’à 85% et que le préfet s’oppose à la construction d’un parc éolien, le promoteur peut compter sur la cour d’appel administrative de Bordeaux pour obtenir son permis de construire. « Et comme nous sommes dans un pays de droit, rappelle le préfet Thibault Lanxade, une telle décision doit s’appliquer ». Car le droit prime sur la raison. Seulement, dans un pays qui a voté non au traité européen, et qui se l’est tout de même vu appliquer, ce genre de raisonnement ne passe plus et jette les électeurs dans les bras d’un parti prêt à accueillir tous ceux qui ont quelque chose à perdre.
Alors Thibault Lanxade a beau leur rappeler qu’ils ont été compris et que les maires ont désormais le pouvoir (un pouvoir tout relatif comme nous l’avons écrit précédemment), lorsque Marc Fleuret, président du Conseil départemental, rappelle la nécessite d’un moratoire sur le sujet sans compter que « l’Indre a déjà fait sa part alors qu’il n’y a aucune éolienne dans l’Indre-et-Loire et quelques-unes seulement dans le nord du Loir et Cher », il ne se sent pas vraiment épaulé. Quant au député LR Nicolas Forissier, il rajoute cent sous dans la machine. « 80% des Français habitent les villes et peuvent être pro éoliens puisqu’il n’y aura pas d’éoliennes à moins de vingt kilomètres de chez eux. C’est une querelle entre ruraux et urbains ». Le député convoque même la mémoire de François Gerbaud, un ancien sénateur de l’Indre qui avait pronostiqué : « L’éolien, ce sera le grand scandale du XXIème siècle. »
Préserver les paysages
Les propos n’ont pas été moins sévères lorsque l’animateur a donné la parole à la salle. Jean-Christian Fraiscinet qui a troqué pour l’occasion son costume de Christian Bodin contre celui du directeur artistique de la Ferme-Théâtre de Bellevue de Villentrois-Faverolles-en-Berry : « Nous avons sorti des ronces cette ferme à l’abandon, dépensé des centaines de milliers d’euros pour la réhabiliter et enterrer tous les réseaux électriques. Ce lieu de spectacle fait vivre les comédiens de la région, mais si on a les clignotants des éoliennes en fond de scène comme nous en menace un projet de parc éolien, la ferme théâtre va disparaître et il nous restera que nos yeux pour pleurer. »
Jean-Christian Fraiscinet a illustré la thèse « On ne peut pas mettre des éoliennes partout, même si le vent le permet » – Photo PB
Marie-Laure Frisch, maire de Saint-Hilaire-sur-Benaize lui a emboîté le pas : « Quand j’ai été élue en 2020 une partie de mon conseil était favorable à l’implantation d’éoliennes dans la commune pour créer un complément de revenu. On a débattu et je leur ai demandé d’imaginer la taille d’une éolienne par rapport à nos pylônes électriques. Saint-Hilaire n’aura pas d’éoliennes, c’est incompatible avec nos paysages. »
Thibault Lanxade s’est voulu rassurant en ayant le dernier mot de cette réunion, déclarant que les sept réponses des candidats aux zones d’accélération suffiraient à la production d’électricité éolienne demandée à l’Indre pour les objectifs 2030-2050. Mais ce qui a surtout rassuré les participants, c’est leur démonstration de force… qui donne du grain à moudre aux candidats du Rassemblement national.
Photo de Une : Source Unsplash
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