Procès Augis, président de Tours Métropole : « Ça ne vole pas très haut, mais c’est comme ça »

Ne reculant devant aucun sacrifice personnel pour tenir informés les lectrices et lecteurs de Magcentre, je me suis infligé les 3h30 du procès Augis dans l’affaire dite du « je t’emmerde sale portugais », phrase que le président LR de Tours Métropole avait lancé à son vice-président Cédric De Oliveira, non moins LR, à l’issue d’un conseil métropolitain le 4 avril dernier.


Par Joséphine

Bon, on ne va pas se mentir, ce procès a été une des pires expériences de sieste imminente qu’il m’ait été donné de vivre. On pourrait faire une chronique in extenso non moins soporifique, reprendre l’exposé d’une grosse heure livré par la présidente, résumant les étapes de l’affaire, proposant un best-of indigeste de presque tous les actes de la procédure. On pourrait gloser sur le malaise palpable lors des prises de parole de Frédéric Augis, visiblement tendu et bien peu convaincant. Ou alors s’étonner du manque de substance juridique du procès qui a laissé globalement de côté la question de savoir si l’injure était publique ou non, vu qu’un seul témoin a entendu les propos, du reste reconnus par M. Augis, et ce alors que les deux protagonistes s’éloignaient d’un buffet pour s’isoler après des échanges déjà tendus. Idem pour la question de savoir si Augis a insulté l’élu De Oliveira, auquel cas on est en présence d’un outrage, ou s’il a insulté la personne privée De Oliveira lors d’une engueulade, ce qui ramène la qualification à une injure. On pourrait aussi se navrer du registre général de l’Audience, où il a été davantage question de “qui qu’a commencé” et de qui qu’est le plus méchant, « blessant ou humiliant » entre Frédéric et Cédric, des camarades de 20 ans. Les « il avait sa tête de quand il veut m’embêter », les « c’est lui qui m’a traité de minable », les « ça ne se fait pas », les « c’est pas un mot doux, c’est pas bienveillant », les « vous l’avez traité de petit vice-président, expliquez-nous quelle est la différence entre un grand et un petit vice-président », assistant même à des passes d’armes lunaires pour savoir à l’année près depuis quand les hommes se connaissent ou si le hall de la métropole résonne ou non. On pourrait ricaner enfin des appels vibrants à l’exemplarité et à la moralisation de la classe politique tourangelle, quand on connaît les pratiques locales de nos barons qui défrayent la chronique judiciaire depuis 15 ans. Bref, tout ça pour dire que si vous n’y étiez pas, vous n’avez pas loupé grand-chose et que la lecture des 10 lignes de l’article de la NR vous suffira amplement.

Du coup, la seule chose vraiment intéressante du procès, c’est ce qui n’y était pas. Ceux qui n’y étaient pas. Et en fait, LA grande absente de l’Audience d’hier, c’est la crise profonde que traverse la droite tourangelle.

Fractures à droite…

Après l’éviction surprise de Wilfried Schwartz en juillet 2021 à la suite de l’affaire de la gifle de son dircab’, c’est panique à bord à la métropole. Le grand baron Philippe Briand, lui-même à ce moment-là en pleine tourmente de son procès dans l’affaire du financement illégal de la campagne Sarkozy, doit lâcher son poulain larichois, mettant à bas les fragiles équilibres politiques dans l’exécutif métropolitain. Deux clans et deux approches s’affrontent alors à droite : d’un côté les partisans de la poursuite du compromis avec la gauche et la commune de Tours tenue par Emmanuel Denis, de l’autre, autour d’élus de petites communes, de Cédric de Oliveira et surtout de Jean-Gérard Paumier, partisans d’un hold-up visant à rafler la métropole, profitant de la crise pour exclure la gauche de l’exécutif. Ce sont ces derniers qui remportent la première manche, construisant un exécutif 100% à droite, sans aucun représentant de la majorité écologiste et de gauche de la commune de Tours, niant explicitement le résultat des urnes, pire, offrant des places de choix à l’opposition, notamment Thibault Coulon et Benoist Pierre, pourtant très largement défaits dans les urnes en 2020. Sauf que cette majorité fonctionne mal et la métropole se retrouve pour une énième fois de son histoire au point mort et, pour tout dire, un peu ridicule. Presque deux ans plus tard, début 2023, conscient des risques pour la droite de porter un tel bilan aux prochaines municipales, Augis manœuvre dans l’ombre avec Emmanuel Denis pour construire une nouvelle majorité, intégrant cette fois la gauche dans l’exécutif métropolitain. En mars 2023, on rebat donc les cartes et c’est la revanche de la droite du compromis. Les quelques perdants à droite de ce revirement fondent un groupe d’opposition au Conseil Métropolitain, autour de Christophe Bouchet, de Benoist Pierre et de quelques autres, unis par leur volonté de bouder ostensiblement, sous le regard bienveillant de Jean-Gérard Paumier, resté à distance, mais bien heureux de voir ce caillou dans la chaussure d’Augis.

En fait, le soir du 4 avril, les tensions entre Augis et De Oliveira – proche de Paumier – arrivent à maturité. Augis nourrit depuis quelques jours l’idée de former un groupe de droite qui soutiendra son action au Conseil Métropolitain pour contrebalancer le groupe des boudeurs, mais De Oliveira traîne des pieds et ne vient pas à une réunion le 3 avril sensée acter la naissance de ce groupe. Au procès, on apprend qu’Augis reproche à De Oliveira de ne pas l’avoir prévenu de son absence à cette réunion et que ça l’a mis colère. On apprend aussi que le 4 avril, De Oliveira est en retard et que ce retard ne serait pas fortuit mais qu’il serait plutôt une protestation contre le choix assumé par Frédéric Augis et Emmanuel Denis de se conformer enfin à la loi et de faire état publiquement de toutes les indemnités des membres de l’exécutif métropolitain, en toute transparence, ce qui déplaît à Cédric De Oliveira qui cumule pas mal de mandats et qui semble bien pudique sur les questions d’argent. Après le Conseil Métropolitain, vers 23h30, les deux hommes se croisent au buffet et évoquent les sujets chauds. Selon Augis, De Oliveira lui aurait dit qu’il « n’était pas digne d’être président de la métropole », chose à laquelle il aurait répondu, « petit vice-président, ici c’est moi le boss ». Le ton monte, les deux hommes ressortent les vieilles histoires, celles où l’un essaye de débaucher le directeur général de l’autre et où l’on s’accuse de mal manager ses équipes. Augis semble vouloir s’éloigner, De Oliveira lui emboîte le pas, ils continuent de discuter vivement et là, le premier lâche « tu m’emmerdes sale Portugais », le second répond « tu verras quand la communauté portugaise de Joué le saura ». Il est vrai qu’Augis conteste cette version, assurant au procès, contrairement à son audition devant la Police, que c’est De Oliveira qui l’a menacé de mobiliser la communauté portugaise contre lui et qu’ensuite l’insulte raciste a fusé, version qui a visiblement peu convaincu les magistrats.

Dans les jours qui suivent, les deux protagonistes s’échangent des courriers bientôt rendus publics et se téléphonent, De Oliveira assure d’ailleurs aux policiers qui l’ont auditionné qu’Augis, loin de s’excuser, l’aurait menacé de sortir des dossiers qui fâchent au Procureur si on en venait à judiciariser l’épisode. La presse monte l’affaire en épingle, sur fond de mini-crise diplomatique franco-portugaise, l’insulte faisant grand bruit au Portugal, donnant même lieu à une lettre officielle d’un député lusitanien à l’ambassadeur de France à Lisbonne. De mystérieuses sources permettent à la presse d’exhumer fin avril deux anciennes plaintes déposées pour des propos racistes – « retourne dans ton pays » – dont a été accusé Augis en 2011 et 2014, classées sans suite, donnant l’impression que certains à droite profiteraient bien de l’occasion pour se payer le président de la métropole. Du reste, une grande soirée contre le racisme, avec la présence d’un député portugais, est organisée fin mai à Saint-Avertin, fief de… Jean-Gérard Paumier. Pur hasard sans doute.

Du rififi chez LR…

Autre grand absent au Procès, Cédric De Oliveira, qui peu de temps après l’affaire s’était engagé à ne pas porter plainte pour ne pas rajouter d’huile sur le feu. Ce sont donc des associations – la Licra et SOS Racisme – qui se sont constituées parties civiles et qui ont déposé plainte en septembre dernier, avec l’aval de De Oliveira, qui a pu ainsi tenir son engagement et voir son « ami de 20 ans » empêtré dans une bien fâcheuse procédure, actant ainsi publiquement la profonde fracture à droite. Fracture que Philippe Briand, pourtant réputé très proche d’Augis et de De Oliveira, n’a pas réussi à réduire pour permettre à la droite de laver son linge sale en famille, ce qui est pourtant une tradition importante en politique. Probable preuve que l’influence du magnat de l’immobilier est en perte de vitesse depuis sa condamnation et son repli sur ses affaires privées.

Le racisme à droite

Dernière absente de l’Audience, la question du racisme à droite. Le « sale Portugais », mot malheureux qui aurait échappé à Augis ou pique pour vexer De Oliveira, les débats sont restés sur des questions de personnes, laissant de côté toute analyse sur le rapport de la droite au racisme. Entre « le bruit et l’odeur » de Chirac dans les années 80 et les compromissions explicites avec le vocabulaire et les concepts du Rassemblement national de la part de LR depuis des années, le procès d’hier était aussi une petite lucarne sur ce que pensent et disent certaines figures de droite quand les caméras ne tournent pas. Et oui, comme le disait la Procureure, « ça ne vole pas très haut mais c’est comme ça ». Un peu comme la peine qu’elle a proposée à l’encontre de Frédéric Augis : 12.000 euros d’amende dont 8.000 avec sursis, pas de prison, pas d’inéligibilité. Décision sera rendue le 11 avril.

Commentaires

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  1. La peine requise par la procureure relève d’une coupable complaisance envers l’accusé. C’est quasiment le redoublement de l’insulte xénophobe envers la communauté portugaise.

  2. Effectivement, un procès ronron auprès duquel mon chat fait un bruit de locomotive à vapeur.
    Ce n’est pas désopilant, c’est tristement à droite toute, où les questions de société, de la France d’en bas, relevant de l’injure raciste aurait donné lieu à du sursis, alors que pour les ceux-ce d’en haut, à droite toute, une sorte de complaisance semble émerger de la part d’un système judiciaire bancal. Je ne crache pas sur l’institution, certain.es juges sont humainement à l’écoute de la parole des plaignant.es, mais d’autres semblent attaché.es, dans ce contexte, o combien politicards, à la parole des accusés d’en haut. C’est moche et oui ” ça ne vole pas haut”…
    Merci à toi Josephine, d’arriver à faire un article de fond, sur une passade verbale, somme toute , de forme…

  3. Joséphine ,tu es trop bavarde et tu ne fais pas aimer la politique!
    Où veux-tu en venir??

  4. @Thérèse: et toi ? En disant cela, tu voudrais qu’on aime les racistes et les manoeuvres dans le dos des électeurs ? Drôle de commentaire.

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