Rose Valland, une héroïne qui sort de l’ombre

Dans le cadre de la Semaine Elles, la conférence sur Rose Valland par l’autrice Jennifer Lesieur a fait le plein le 14 mars à l’auditorium Samuel Paty. Elle illustre l’invisibilisation des femmes, thème de l’édition 2024.

L’histoire de Rose Valland a inspiré deux films : Le Train (1964) et Monuments Men (2014). Photo Wikipédia
 
Par Jean-Luc Vezon


« Mesdames, rendons enfin justice, à vos grands et beaux esprits. Tari le travail de l’ombre des hommes. Il est temps de partager le podium. Laissons la lumière de la légitimité. Distinguer sans le mâle toujours éclairer. A vos succès bien mérités Mesdames ». Les vers de la poétesse blésoise Nicole Lierre, en exergue du festival 2024 résonnent encore plus fort à l’issue de cette conférence sur Rose Valland organisée par l’association Femmes 41.

Il faut dire que le roman de la vie de cette Iséroise, née en 1898 dans une famille ouvrière de Saint-Étienne-de-Saint-Geoirs, en dit long sur la société patriarcale. Qui connaît son action pour sauver les œuvres d’art pillées par les nazis et en faire retour à leurs propriétaires après la guerre ?

Conservatrice bénévole au musée du jeu de Paume, au cœur de Paris, sur la terrasse des Tuileries, au moment de l’arrivée des nazis, Rose Valland va surveiller inlassablement les captations des tableaux de maître et autres sculptures. Alors qu’elle reste en poste, elle suit minutieusement à la demande du directeur des musées nationaux Jacques Jaujard, les départs vers l’Allemagne où Hitler a pour projet de construire le plus grand musée du monde à Linz.

« C’était une sorte d’espionnage à la Tintin mais très précieux car Rose a listé toutes les œuvres pillées par la Gestapo à partir de 1940 aux institutions publiques et familles juives. C’était une entreprise de spoliation systématique », a révélé Jennifer Lesieur, journaliste et autrice de Rose Valland, l’espionne à l’œuvre (Ed. Robert Laffont, 2023).

A la recherche des œuvres volées en Allemagne

Discrète, dotée d’une formidable mémoire photographique, courageuse, Rose note et enregistre, pointe les transporteurs qui convoient les œuvres extorquées aux collectionneurs privés et qui sont alors entreposées au Jeu de Paume. Un travail colossal puisqu’au total 100 000 œuvres sont volées.

Alors qu’elle a failli se faire lyncher à la Libération, Rose poursuit son travail en partant en Allemagne où elle va vivre pendant 10 ans contribuant au rapatriement. Fouillant les ruines fumantes, y compris en zone soviétique, arpentant les mines de sel en Bavière, elle contribue ainsi à ramener 60 000 œuvres et à en rendre 45 000 aux propriétaires spoliés.

« Il y a encore beaucoup d’œuvres non restituées, dans les greniers », constate Jennifer Lesieur, sans compter les œuvres des musées nationaux portant la mention MNR (musée nationaux récupération*). Au début des années 1950, fin de séquence, c’est le retour à Paris à la demande de l’administration qui la nomme conservatrice. Rose va alors continuer seule à chercher jusqu’à la fin de sa carrière en 1968 puis sa mort en 1980.

Une résistante oubliée

Si l’on ajoute au roman de la vie de Rose Valland que cette dernière tut son homosexualité toute sa vie et son histoire d’amour de 40 ans avec Joyce Helen Heer (1917-1977), on comprend que sa réhabilitation est légitime. Cette héroïne française aurait incontestablement sa place au Panthéon (mais on sait que sa famille l’a refusé).

Aujourd’hui, en dehors de quelques sites en Isère, seule une impasse à Paris porte son nom et il n’existe aucune image filmée de Rose Valland pourtant l’une des femmes les plus décorées de l’histoire de France. Invitée aux Dossiers de l’écran, l’archive est même la seule à ne pas exister.


*Il en existe 17 au musée de Blois.
Rose Valland a participé au rapatriement d’Allemagne de plus de 60 000 biens culturels d’origine française. Wikimedia commons.

Plus d’infos autrement sur Magcentre : Julie Gayet, marraine de la 15ème édition de la Semaine Elles

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