La veille des vacances scolaires de printemps, sous un soleil de gloire et une tempête de ciel bleu, les 29.000 m² du « Parc » de Cap Saran, centre commercial à l’américaine au nord d’Orléans, ont été inaugurés mardi 24 avril, 18 mois après la pose de la première pierre. Une extension de l’existant qui doit « renforcer l’attractivité de la Métropole », et créer près de 300 emplois. Pourtant les élus métropolitains ont brillé par leur absence lors de cette inauguration. La fin d’un monde ?

Maryvonne Hautin, maire communiste de Saran, avait le sourire commercial, à juste titre. Elle était seule élue métropolitaine à profiter de « l’évènement », l’inauguration du centre commercial « Le Parc » Cap Saran. 29.000 m² de surface commerciale en 35 boutiques, dont la moitié avec de nouvelles enseignes pour la première fois dans le Loiret. Oubliés les 18 mois de travaux pharaoniques dont une bonne partie sous des conditions météorologiques compliquées ! Oubliés les cinq recours essuyés en amont du projet, dont trois rien que sur le permis de construire ! Peu importe que le modèle économique de ces mastodontes commerciaux périphériques soit en perte de vitesse, promis à une mort certaine, concurrencés – entre autres – par le commerce sur Internet ! L’essentiel est ailleurs, dans la continuité de ce qu’on a toujours su faire : consommer grâce au développement de l’offre, en grignotant les terres agricoles adjacentes et en l’agrémentant de « loisirs ». Voir toujours plus grand, être dans la norme et dans l’énorme. « Le Parc » de Cap Saran sera « the Parc to be », le lieu où il faudra être. « Un véritable lieu de vie » dira même Christel Garcia, directrice du site et déjà directrice de Place d’Arc dans le centre-ville d’Orléans. « Vous êtes ici chez vous » ajouta-t-elle à l’adresse des premiers clients venus – déjà – en foule en cette veille de vacances scolaires de printemps.
Beaucoup d’appelés, peu d’élus

Christel Garcia, directrice de Cap Saran.
Cap Saran, un « Parc » adoubé surtout par le staff de Carmila et Carrefour Property, venus en voisins, et principaux investisseurs à hauteur de 40 M€. Cela semble désormais de l’histoire antique, le jour où, en 1971, Michel Guérin qui n’était pas encore maire de Saran avait vendu un terrain à l’enseigne Carrefour qui allait construire un hypermarché aujourd’hui encore le navire amiral du site, et ouvrant la voie aux autres enseignes installées depuis. Mais pour combien de temps encore ? Suffisamment long sans doute pour le commerce indépendant de centre-ville continue d’agoniser, celui-là même que les élus cherchent par tous les moyens possibles à redynamiser avant que leurs soins palliatifs ne passent un jour prochain à l’accompagnement des mourants.
Était-ce pour cela qu’aucun élu de la Métropole, ni du Département – qui pourtant n’a pas lésiné sur les travaux d’aménagements routiers pour fluidifier l’accessibilité du site (6,5 M€) – n’était sur le podium officiel lors de cette inauguration ? Il y avait pourtant plus de monde le 26 avril 2017 pour la pose de la première pierre, en l’occurrence la plantation d’un arbrisseau par des enfants des centres aérés voisins… Le président d’Orléans Métropole était encore en Yangzhou ce 24 avril. Son vice-président délégué à l’aménagement économique et aux zones d’activités Jacques Martinet, initialement prévu, a été excusé de façon très officielle par la maire de Saran Maryvonne Hautin, « pour raisons personnelles ». Inaugurait-il un défibrillateur au même moment dans sa commune de Saint-Denis-en-Val ? Avait-il piscine ou poney ? Une allergie soudaine au pollen des zones d’activités arborées l’obligeant à garder la chambre ? (1).
Ou peut-être n’avait-il tout simplement pas trop envie d’adouber ce temple supplémentaire de l’hyperconsommation des périphéries qui scotchera davantage les consommateurs dans cestte zone commerciale dont on devine d’avance qu’elle remplira en partie son cahier des charges aux mensurations à faire pâlir un sumotori : 400.000 habitants habitent à moins de 45 mn du « Parc » ; il devrait faire grimper la fréquentation du site à 6 millions de visiteurs annuels au lieu des 4 millions actuels. Les 1.000 places de parking – gratuites – viennent s’ajouter aux 1.100 déjà existantes (lire les autres chiffres ci-dessous). Allez proposer après ça aux habitants de la Métropole de venir en bicyclette ou par tram faire des courses le samedi rue Royale… Au « Parc », tout est prévu pour que les familles y passent la journée, et il ne manque plus qu’un hôtel pour qu’elles y restent la nuit : fermeture à 21h des magasins, et les 35 nouvelles enseignes qui ouvrent sont greffées aux quatre piliers de la consommation contemporaine : maison, restauration, mode et … loisirs. Gâteau sur la cerise, les quinze premiers jours d’ouverture – soit la quasi totalité des vacances de printemps – verront une batterie d’animations à destination des familles qui ne manqueront pas de venir déambuler au milieu des 728 arbres plantés pour faire oublier qu’il s’agit essentiellement d’un parking goudronné. Espaces dédiés aux enfants, espaces détentes pour leurs parents (qui seront sûrement très sollicités), terrain de pétanque ( !), cours de cuisine, plus de 8.000 € de cadeaux dans les principaux magasins… Le programme d’animation est sans rival, ou presque. Il ne manque plus qu’une chevauchée johannique le 8 mai prochain et tout serait parfait.
“Ici, ici, c’est Saran !”
« Les absents manquent vraiment un beau moment » dira non sans piquante ironie Maryvonne Hautin lors du discours officiel de la seule élue présente « officiellement ». Elle aurait tort de bouder son plaisir. La commune libre de Saran savoure sa victoire avant d’empocher les contreparties liées à l’ouverture de ce centre commercial en matière d’aménagement du territoire. Jusqu’au nom même de la commune accolé au nom du centre commercial… « Ici, ici c’est Saran ! » clame-t-on sur les terrains de sports sarannais, a-t-elle tenu à rappeler. Pas improbable que ce cri de supporters résonne jusqu’à la place de l’Étape et même jusqu’en Chine, qui sait ? Car c’est bien finalement la seule chose qui manque encore à Cap Saran : des pandas pour attirer le chaland.
F.Sabourin
(1) Contacté par Magcentre.fr, J. Martinet indique qu’il était en vacances, prévues de longue date, et qu’étant le seul élu référent dans ce dossier, aucun autre élu – à part O. Carré, mais lui en Chine au même moment – ne pouvait être dépêché sur place.
Cap Saran en chiffres18 mois de travaux.
40 M€ d’investissements par Carrefiur Property.
29.000 m².
35 boutiques ; 50 % de nouvelles enseignes jusqu’ici non présentes en Loiret.
7 restaurants.
300 emplois directs.
1000 places de parkings (2.000 arbres replantés à Seichebrières).
728 arbres plantés.
400.000 habitants à moins de 45 mn.
Objectif 6 millions de visiteurs par an sur l’ensemble du site Cap Saran.