Salbris: un parc photovoltaïque ou 30 millions d’euros au soleil !

Le kilowatt d’énergie solaire solognot a pris un sacré coup de boost lors de la dernière réunion du conseil départemental du Loir-et-Cher. L’annonce de la vente des 120 hectares du site de Giat Industries, à Salbris, à la société Photosol, pour en faire un parc photovoltaïque gomme près de 30 millions d’euros de travaux d’infrastructures. Cette cession exclut définitivement ce coin de Sologne d’une éventuelle redynamisation industrielle.

Par Fabrice Simoes

Le site de Michenon a été dépollué, les bâtiments et merlons arrasés voilà plus d’une dizaine d’années. Photo Fabrice Simoes

On peut convenir que vendre 5 millions d’euros un terrain de 121,5 hectares en Sologne (voir encadré), dont les aménagements d’infrastructures ont coûté autour de 30 millions, ce n’est pas une très bonne affaire pour le vendeur, non ? Quand le proprio, Philippe Gouet, le patron du Loir-et-Cher, estime, dans la NR 41, que cette vente lui « retire une épine du pied », ça en devient un peu inquiétant quant à la gestion financière du département. De là à regarder d’un œil différent la décision d’un audit interne plutôt que par un organisme externe, il n’y a qu’un pas que beaucoup ne manqueront pas de franchir.

Il est vrai que, pour le coup, la tirade du nez de Cyrano pourrait être aisément être reprise… Gabegie ? « Non ! C’est un peu court, jeune homme ! On pouvait dire… Ô ! Dieu ! … bien des choses en somme… » Descriptif : « C’est une bêtise !… C’est une erreur abyssale… C’est un gaspillage ! Que dis-je, c’est un gaspillage ? … c’est une connerie monumentale ! » Edmond aurait fait beaucoup mieux, il n’empêche que le résultat en serait le même.

Deux ronds-points tout neufs, un pont qui l’est tout autant, une route à l’asphalte encore nickel-chrome, pour une ferme photovoltaïque de plus de 120 hectares et 64 mégawatts annoncés, ça pourrait faire cher du kilowatt produit. Que nenni, pour cette fois ce sera cadeau. C’est même le contribuable qui paye.

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Les travaux d’infrastructures pour desservir le site comportaient plusieurs kilomètres de route remis à niveau, deux ronds-points et un pont. Photo Fabrice Simoes

La société Photosol « PME française indépendante » est « leader dans la production d’énergie photovoltaïque » et propose « une solution clé en main de production d’énergie photovoltaïque sur vos espaces fonciers ». Et de préciser encore sur son site internet : « Que vous soyez acteurs publics ou privés, propriétaires ou exploitants, contribuez au développement durable en nous louant vos terrains ».

Sur ce coup-là, l’entreprise achèterait donc le terrain pour 5 millions d’euros, soit 1/6e des dépenses engagées. Elle pourrait proposer à des particuliers d’investir pour un parc photovoltaïque dont la production serait de 64 mégawatts, soit la consommation d’une ville de 38 000 habitants selon Total énergies. L’ensoleillement en Sologne, comme pour tous les sites au sud de la Loire, c’est bien connu, étant d’une qualité exceptionnelle, vous conviendrez qu’il faut pencher pour une production optimum. Et des gains qui vont avec…

La vente met fin à une éventuelle réindustrialisation

Cependant la question n’est pas de savoir à « qui profite le crime » mais plutôt ce que cette vente, plus à perte qu’à profit, engendre. Outre des dépenses de dépollution, de démolitions, de voiries importantes et autres, inutiles mais dignes de figurer dans la prochaine reprise de « Combien ça coûte », présenté par l’ami de tous les Français qui aiment TF1, Jean-Pierre Pernaut, on aurait déjà pu s’éviter les procédures diverses et variées, d’encombrer les tribunaux aussi. On pouvait par ailleurs s’abstenir de perturber les propriétaires des alentours. Depuis 1934, année de construction de Michenon (nom du site Giat Industries à sa création), ils ne pouvaient pas profiter pleinement de leurs terres. Après bien des années de tracas, et plusieurs générations de procéduriers, ils traverseront désormais leurs hectares de chasse en toute quiétude, sans camions, sans chauffeurs, sans techniciens en logistique, et sans conducteurs de transpalette. Sans ouvriers aux portes des châteaux, quoîîî, une hérésie enfin terminée… Comme quoi la lutte de classe n’est pas terminée pour tout le monde.

Ce coin de Sologne va pouvoir renouer en ce qui fait son histoire : des forêts à gibier pour citadins argentés, agrémentées de gardaillons, de soubrettes, et de cuisinières pour repas de chasse. Un retour au XIXe en quelque sorte. On comprend mieux pourquoi, pour marquer le bicentenaire de la mort de Napoléon 1er, on avait présenté une exposition sur Louis-Napoléon Bonaparte à la galerie Maurice Genevoix de l’Office de Tourisme de Salbris, cet été. Les passe-plats attendris par l’aubaine ne manqueront pas. Les bras non plus … Dans le sillon de cette vente qui ne comblera pas le déficit, il faut comprendre que les possibilités de réindustrialisation seront réduites d’autant de mètres carrés vendus. A une période où l’État restreint les extensions urbaines et bloque l’extension des zones d’activité, seules les friches industrielles en reconversion peuvent permettre du développement économique. Le site de Giat Industries en était un exemple parfait. Par cette vente, le Conseil départemental ferme la porte à cette possibilité alors que le gouvernement annonce vouloir réindustrialiser le pays.

Une occasion ratée qui ne se représentera pas… Dommage !

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Un petit peu d’histoire locale ne faisant de mal à personne, prenons le temps de reprendre l’affaire à son début… Au passage en l’an 2000, les activités munitionnaires du site salbrisien ont définitivement cessé. Le vieil Atelier de Chargement (ASS), devenu Giat Industries quelques années avant la fin du siècle, a fermé ses portes. La fermeture laissait vide un site qui, sur 120 hectares, comprenait des maisons d’habitations, des bâtiments administratifs, des ateliers, des merlons, des routes, une voie ferrée, un cours de tennis aussi. Une opportunité de redynamisation du bassin d’emploi local était alors envisagée par Maurice Leroy, patron du département de l’époque, Michel Leroux, premier vice-président du conseil conseiller général et représentant du canton de Salbris, et le maire de Salbris, Jean-Pierre Albertini. La création de 800 emplois sur le site était prévue.

Une voie ferrée de type SNCF alimentait l’établissement munitionnaire. DR

Las, le cap d’une vingtaine de millions d’Euros de travaux était approché, financés par le Conseil général, donc les deniers publics, quand le projet était freiné par une succession d’actions judiciaires. Des riverains plus enclins à protéger la quiétude de leurs zones de chasse que de l’intérêt général avaient engagé ces opérations dans le but de rallonger les délais de construction. Au bout du compte, que les requérants aient eu raison ou non, les promoteurs étaient allés voir ailleurs si l’herbe était plus verte et la forêt de procédures moins dense. Depuis, le Conseil général, propriétaire du site, est devenu Conseil départemental et diverses esquisses de projets plus ou moins industriels ont été envisagées. Rien de concret, hormis, après l’avoir annoncé en 2017, la vente, à la fin de 2020, à la société Baytree de 16,5 premiers hectares pour la création d’un « petit » parc logistique et un premier bâtiment de 60 000 m². L’achat était accompagné de perspectives de développements complémentaires sur le site. Un peu plus de 100 hectares aménagés étaient donc toujours disponibles… Une évidence, désormais, avec cette vente, Baytree aura des difficultés pour s’agrandir !

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