Cette première édition du printemps de la romancière des 13, 14 et 15 mai 2022 proposée par le Fonds Régional d’Art Contemporain n’a pas remporté le succès escompté à cause notamment des nombreuses autres manifestations du week-end à Orléans. Pourtant la manifestation valait le détour par l’originalité de ses propositions.
Par Sophie Deschamps
Inauguration du premier Printemps de la romancière du Frac à Orléans le 13 mai 2022. Photo Sophie Deschamps
L’équipe du FRAC Centre-Val de Loire s’était pourtant donnée du mal pour proposer un programme riche et varié durant ces trois jours : conférences, lectures, ateliers, visites d’expos, vente de livres et de revues…
Un printemps inauguré officiellement vendredi soir (13 mai) en présence du directeur du FRAC Abdelkader Damani et de son équipe, de la présidente du FRAC, Carole Canette et de la vice-présidente de la région chargée de la culture, Delphine Benassy.
Ces deux dernières ont tout d’abord défini ce qu’est pour elles une démocratie féministe. Delphine Benassy y voit d’emblée un pléonasme estimant que « ce qualificatif de féministe ne devrait pas être nécessaire pour qualifier un régime où les citoyens sont égaux en droits. Mais il apparait quand l’égalité de droits ne se traduit pas par une égalité de faits, notamment dans les espaces de gouvernance et de décisions ».
Carole Canette acquiesce et complète en estimant « qu’une démocratie féministe devrait être un état intermédiaire pour passer d’une démocratie viciée par un système patriarcal dominant qui laisse encore son empreinte à une démocratie pleine et entière où l’on n’aurait plus besoin de parler de féminisme ».
De son coté Abdelkader Damani s’est réjoui « d’avoir fait de ce FRAC un lieu de débats de partage et de rencontres.»
Les femmes dans la culture et les médias
L’un des points d’orgue de ce festival a été la discussion vendredi soir sur « les femmes dans la culture et les médias » en présence de Rose Lamy autrice de l’ouvrage Défaire le discours sexiste dans les médias et la haute fonctionnaire Reine Prat pour son ouvrage Exploser le plafond – précis de féminisme à l’usage du monde de la culture. Une rencontre qui a réuni un public très varié d’une centaine de personnes.
Reine Prat et Rose Lamy au printemps de la Romancière le 13 mai 2022 au FRAC à Orléans; Photo Sophie Deschamps
Rose Lamy qui fait depuis plusieurs années un travail de fourmi en traquant les formulations et tournures sexistes dans la presse a notamment pointé l’actuel procès qui oppose Amber Heard à Johnny Depp, dénonçant « un déchaînement masculiniste qui veut imposer sa vision du procès avec une campagne de violence misogyne où les moindres faits et gestes de l’actrice sont instrumentalisés avec une volonté de la détruire et de la disqualifier » et concluant « quoiqu’il se passe, Johnny Depp a déjà gagné son procès médiatique. »
Pour Reine Prat, rédactrice de plusieurs rapports sur les inégalités d’accès aux hautes fonctions dans les instances culturelles publiques, il est important également de « faire le lien entre les micro événements sexistes de la vie quotidienne et les violences sexistes ». Puis elle a brandi le livre #Me too Théâtre qui doit sortir prochainement.
Et Rose Lamy de se réjouir de la récente décision de justice définitive de la cour de cassation du 11 mai 2022 qui a jugé que l’expression # Balance ton porc relève de la liberté d’expression et non d’une diffamation.
Une ambiance plus intimiste samedi et dimanche
Samedi, la grande poétesse algérienne Souad Labbize, installée dans un coin de l’exposition dédiée au design féminin a enchanté le trop rare public de plusieurs lectures de ses courts poèmes comme celui-ci, extrait de son recueil Enfiler la chemise de l’aïeule (Éditons des Lisières) écrit en français et traduit en arabe après la mort de sa mère :
Tu disais : Alger monte regarder Marseille se coucher du haut d’une terrasse, parfois d’un minaret, après la prière du coucher et lance le lasso de ses tresses défaites vers les radeaux téméraires.
Et j’ai compris qu’Alger était de celles qui refusent de couper leurs cheveux pour ligoter ses filles.
La poétesse algérienne Souad Labbize au printemps de la romancière. Photo Sophie Deschamps
En revanche la table-ronde très attendue sur le « neutre » dans la littérature et l’écriture a dû être annulée à cause du désistement de l’un des participants.
Ce samedi, il était aussi possible de rencontrer des maisons d’édition féministes dans le Hall des Turbulences du FRAC : Talents Hauts, Blast, Des femmes-Antoinette Fouque, Hors d’atteinte, Éditions du commun, Éditions Daronnes et Le Passager clandestin.
Dimanche, les bouquinistes du Loiret ont investi à leur tour le hall des Turbulences ainsi que deux boutiques de livres d’occasion d’Orléans (Le Café Littéraire et Le Bibliovore) avec une sélection d’ouvrages écrits par ou sur les femmes.
Des ateliers étaient aussi proposés : «Féminiser Wikipédia», collages et fabrication de badges proposé par Aline Baudu, fondatrice de Chapitre 2 qui lui a remporté un franc succès.
Aline Baudu, de Chapitre 2 et son atelier de badges au printemps de la romancière. Photo de Sophie Deschamps
Il était aussi possible et c’était bien agréable avec cette météo préorageuse de s’installer confortablement sur l’un des gros coussins disposés dans la cour intérieure du FRAC avec une lecture personnelle proposée par Dominique Aubrun, professeure de français au lycée Voltaire d’Orléans et membre de Chapitre 2.
Dominique Aubrun fait une lecture au FRAC pour le printemps de la romancière. Photo Sophie Deschamps
Bref, un premier printemps qui va devoir certes se roder un peu pour trouver ses marques et son public mais qui reviendra espérons-le au printemps prochain.
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