80 ans de la Rafle du Vél d’Hiv : du mémorial de la Shoah à la gare de Pithiviers

Les 80 ans de la Rafle du Vel d’Hiv sont l’occasion de se pencher sur le passé des camps d’internement du Loiret. Un passé douloureux qu’il faut regarder en face et transmettre impérativement aux nouvelles générations. D’où l’importance de l’ouverture le 17 juillet 2022 de la gare de Pithiviers en tant que musée et lieu de mémoire. Un lieu voulu et aménagé par le Mémorial de la Shoah de Paris.

Par Sophie Deschamps 

Jacques Fredj, directeur Mémorial Shoah fait visiter l’exposition de la gare de Pithiviers. Photo SD

Il faut pénétrer dans cette gare de Pithiviers qui entre 1941 et 1943 a joué un rôle majeur dans la déportation des Juifs, avec la complicité de l’État français et des gendarmes. Un lieu voulu par le Mémorial de la Shoah dont la création, en 1943, était clandestine comme le souligne Jacques Fredj, l’actuel directeur du lieu parisien présent à Pithiviers le 11 juillet 2022 : « Son objectif était dès le début de collecter des archives de ce qui était en train de se dérouler en France, à savoir la persécution des Juifs de France, même si les acteurs de l’époque n’avaient pas les connaissances que nous avons aujourd’hui. Mais ce qu’ils voyaient, c’était pour l’année 42 la déportation des Juifs de France, soit 43 convois. »

La vocation du Mémorial de Paris est donc de collecter et de conserver des documents. C’est aujourd’hui le plus grand centre d’Europe avec 50 millions d’archives, 80000 ouvrages et 400 000 photos. Des documents mis à la disposition des chercheurs mais qui alimentent aussi bien sûr les expositions des lieux de mémoire.

Le Mémorial du Martyr du Juif inconnu 

Le Mémorial en tant que tel est créé en 1956, rue Geoffroy-L’Asnier dans le 4ème arrondissement de Paris. Il s’appelle au départ Mémorial du Martyr juif inconnu en écho à la tombe du soldat inconnu. Comme le précise Jacques Fredj : « L’autre objectif était de créer un lieu de mémoire, presque un tombeau symbolique puisque vous savez que les Juifs ont été assassinés et les corps brûlés. Donc la problématique qui s’est posée après la seconde guerre mondiale pour les familles juives était : comment fait-on le deuil quand il n’y a ni corps, ni cimetières, ni pierres tombales ? C’est  l’origine de la création du Mémorial du Martyr Juif Inconnu qui va s’appeler ainsi jusqu’en 2005. On s’est même appelé Tombeau du Martyr Juif Inconnu. Il faut dire qu’à l’époque on est quasiment la seule institution au monde. Il y a seulement trois grandes institutions juives dans le monde : Yad Vashem à Jérusalem, créé physiquement dans les années 60, Le Mémorial de l’Holocauste à Washington aux États-Unis, créé en 1992 et nous qui existons en Europe là où la Shoah a été perpétrée.»

Un fonctionnement illégal dans les années 50 

Un Mémorial qui au départ va devoir s’opposer à l’État français comme l’explique Jacques Fredj : « À sa création en 1956, notre institution va fonctionner de manière totalement illégale puisque nous avons des archives du régime de Vichy. On les garde, on ne les rend pas à l’État, qui nous les demande et en plus on les ouvre à la recherche. Donc durant des années, notre institution va être la seule où il va être possible de travailler sur le sujet. Et ça va durer jusqu’à la circulaire Jospin de 1997. Celle-ci va permettre la réouverture officielle des archives de Vichy dans la foulée de la déclaration de Jacques Chirac au Vél d’Hiv en 1995.»

Ce Mémorial va donc exister uniquement sur ses fonds propres. Il reste aujourd’hui une institution privée mais bénéficie de subventions. A noter et c’est important qu’il travaille aussi sur l’histoire comparée des génocides depuis janvier 2017.

Le Cercil à Orléans avec l’un des .Photo Mag Centre

D’autres lieux ont depuis vu le jour : le CERCIL créé en 1991 à Orléans, puis en 2011 Le CERCIL Musée-Mémorial des enfants du Vel d’Hiv en présence de Simone Veil et de Jacques Chirac. Le Centre Jules Isaac à Clermont-Ferrand en 2005. C’est ensuite le Mémorial de la Shoah de Drancy en 2012, puis le lieu de mémoire au Chambon-sur-Lignon en 2013 (dédié à l’histoire des Justes et des résistances pendant la Seconde Guerre mondiale) et enfin la gare de Pithiviers ce 17 juillet 2022. Autant de lieux qui travaillent main dans la main avec le Mémorial de Paris avec par exemple des expos commune comme celle sur Les lettres d’internés présentée actuellement à Orléans, Paris et Drancy.

Des clichés sur la Rafle du billet vert exposés dans la gare

Une Mémoire vivante puisque 80 ans après, de nouveaux documents émergent comme ces 98 négatifs originaux sur la rafle du billet vert. Un reportage photographique réalisé par les services de propagande achetés par le Mémorial de la Shoah en 2021 : « C’était inespéré s’enthousiasme Jacques Fredj, c’était un reportage qui était connu mais qui avait été en partie censuré. Donc on a pu retrouver des photos censurées et dont grande une partie sont exposées dans la gare.»

En effet, ces 98 photographies, tirées en planches-contacts, permettent de suivre le déroulement de la rafle dans toutes ces étapes et dans le temps et notamment l’attente et l’angoisse des familles encadrées par des képis français. Ils montrent une réalité très différente des seules photos diffusées par la presse collaborationniste. Enfin, cette rafle préfigure celle, beaucoup plus massive du Vél d’Hiv des 16 et 17 juillet 1942 durant laquelle 8 833 adultes et 4 051 enfants seront arrêtés et qui reste dans l’Histoire comme étant la plus grande opération contre les Juifs de l’Europe de L’Ouest. Une rafle qui permettra ensuite le départ de nombreux convois des gares de Pithiviers et de Beaune-la-Rolande à l’été 1942.

A lire aussi: Les 80 ans de la Rafle du Vél d’Hiv : visite guidée du Musée-Mémorial de Pithiviers

À lire demain dans Mag Centre : Christian Bidault et Régis Guyotat avaient enquêté sur la Shoah dans le Loiret

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