Les voix de Jeanne à Orléans: entre performance et émotion

L’ensemble vocal Variation, dirigé par Patrick Marié, donnait un concert original en la Collégiale Saint Aignan ce samedi 15 avril avec un hommage à Jeanne d’arc. Un beau moment avec la sublime musique des Joubert père et fils, la performance du chœur et l’interprétation magistrale de l’altiste Jean-Philippe Bardon.

Par Anne-Cécile Chapuis

Le concert démarre avec des explications sur ce programme pointu qui, dans un hommage à Jeanne d’arc, fera cohabiter un texte du XVème siècle avec des musiques contemporaines.

L’ensemble vocal variation avec en premier plan, Jean-Philippe Bardon, altiste, Claude-henry Joubert, compositeur et récitant, Patrick Marié, Julien Joubert, compositeur. photo AC Chapuos

Un « Homme armé » revisité

« L’homme armé », ce thème populaire à la Renaissance et illustré par de nombreux compositeurs, retentit du fond de l’église et pose le décor. Nous sommes au début du XVIème siècle avec Cristobal de Moralès (1500-1553) Mais le thème se déconstruit, les voix s’entremêlent, se déplacent dans une diffraction du plus bel effet, puis le puzzle se reforme avec le Kyrie issu de la Missa l’homme armé, une de ces messes-parodies dont la période était féconde.

Place au récit. Jeanne y est présentée avec sa simplicité, voire sa naïveté face à son destin. Avec une voix bien timbrée, une diction précise et surlignée de quelques rares gestes, Claude Henry Joubert fait merveille dans le rôle de narrateur qui lui va si bien.

Une très belle pièce d’Arvo Pärt impose le respect avec les belles harmonies ponctuées de silences, scandées aux voix graves sur une mélodie au soprano.

Patrick Marié, chef de l’ensemble Variation en fin de concert. photo AC Chapuis

C’est ensuite un tableau de la guerre de cent ans, évoquée par les vainqueurs et les vaincus. On respire avec la très belle interprétation d’un mouvement de la suite en sol mineur de Max Reger (1873-1916) où l’alto solo prend toute la résonance de l’église. Un grand moment, empli d’émotion.

Un retour à La messe de Morales fait alternance avec « Mont Ararat » de Dominique de Willencourt, ce violoncelliste contemporain qui aime à faire une synthèse des sons venus d’ailleurs en créant des « impressions fugitives et timbres imprégnés de nostalgie » Jean-Philippe Bardon donne toute sa profondeur à cette œuvre évoquant le son du doudouk. Ne reste qu’à fermer les yeux et se laisser envouter par la musique où l’on croit entendre plusieurs instruments et qui emmène loin, très loin…

Eternelle Jeanne

La pièce majeure du concert est cette belle cantate pour chœur et alto solo « Mistere de Jeanne », co écrite par Claude-Henry et Julien Joubert, d’après un texte issu d’un manuscrit du XVème siècle et sur une commande de l’ensemble Variation. L’épopée de Jeanne d’arc met l’accent sur les propos des différents antagonistes de la délivrance d’Orléans. L’inspiration des deux compositeurs s’est déployée en toute musicalité, sensibilité, inventivité, sur un texte poignant mis en valeur par une musique écrite à deux voix dans une collaboration étroite et respectueuse de chacun. « le premier mouvement a été écrit par mon père, le deuxième par moi, le troisième on ne sait plus, à deux voix , d’autant qu’on se cite l’un l’autre » nous confie rapidement Julien Joubert à la fin du concert.

Les Joubert père et fils ainé. photo AC Chapuis

L’émotion s’installe, des propos sont mis en exergue, comme « ils la regardaient » ou encore « priez pour moi » confié au solo soprano, et ne sont pas sans faire penser à Jeanne au bûcher, co écrit par Arthur Honegger et Paul Claudel. Mais ici, point d’orchestre symphonique ni d’effets grandioses, juste un ensemble vocal et un alto qui mêle sa voix suave à celles du chœur. Du plus bel effet. Saluons la performance des artistes et les choix audacieux de Variation et son chef Patrick Marié pour un renouveau des œuvres chorales.

Le concert est largement fêté par le public et les échanges se poursuivent longtemps sous les voutes de la collégiale, pour laquelle une association est en cours de lancement. « Les amis de la Collégiale Saint-Aignan » devraient permettre l’entretien de ce bel édifice et son ouverture à des concerts comme on les aime et comme celui-ci, à l’aube des fêtes johanniques orléanaises.

Pour en savoir plus :

https://www.magcentre.fr/251090-paul-verlaine-mon-mari-par-julien-joubert/

https://www.magcentre.fr/214180-deconfinez-vos-oreilles-selon-lensemble-vocal-variation/

 

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