Abandonné par l’Etat, le maire de Saint-Brévin auditionné au Sénat après sa démission

Auditionné ce mercredi matin par la commission des lois du Sénat, Yannick Morez le maire démissionnaire de Saint-Brévin en Loire-Atlantique a une nouvelle fois déploré l’absence de soutien de l’Etat et ses mensonges.

Par Zoé Cadiot

Yannick Morez lors de son audition au Sénat. Photo Magcentre

« Doit-il jeter l’éponge ? Démissionner comme moi ? Non, je ne le pense pas. D’autant que la situation est très différente à Bélâbre. Le maire, contrairement à nous, a la chance d’avoir le soutien du sous-préfet et du préfet de l’Indre dans ce projet d’ouverture de centre pour 38 places. Oui, Laurent Laroche a beaucoup de chance. Même le curé le soutient. D’ailleurs, je lui ai dit quand je l’ai eu au téléphone », glisse le maire de Saint-Brévin, Yannick Morez,(DVD), avant de fuir les caméras.

Maison brûlée

Auditionné plus d’une heure ce matin par la commission des Lois du Sénat, une semaine après sa démission, l’élu de Loire-Atlantique a détaillé avec une minutie chirurgicale la montée des violences à son encontre depuis l’annonce du transfert du Centre d’accueil de demandeurs d’asile (Cada), ouvert depuis 2016, dans un autre quartier de sa ville. 
Et cela fait froid dans le dos.
 « Je me suis senti, démuni, isolé et laissé sans aide face au projet de transfert du Cada, voulu par l’Etat », explique l’édile qui, après l’incendie de ses voitures et de sa maison fin mars auquel s’est ajouté de nouvelles menaces subies par lui et sa famille ces dernières semaines, a décidé de quitter la vie politique mais aussi sa ville.

« Je ne veux plus vivre ça »

Un choix longuement pesé, après quinze ans de conseil municipal et 32 ans au service des Brévinois comme médecin généraliste. « Je ne peux plus, je ne veux plus vivre ça. D’autant que la très grande majorité des opposants au projet est extérieure à la commune comme on a pu le voir lors des manifestations, organisées notamment à l’appel d’un collectif proche du parti d’Éric Zemmour Reconquête ! ».

Pas pris au sérieux !

« Oui, on a l’impression de n’avoir jamais été entendus, jamais pris au sérieux », poursuit Yannick Morez, qui déplore une nouvelle fois le manque de soutien de l’Etat. « C’est flagrant » ajoute-t-il d’un ton posé face aux sénateurs. Point d’animosité mais quand même de l’amertume face aux déclarations du préfet de Loire-Atlantique, Fabrice Rigoulet-Rose, qui assure toujours que le soutien de l’Etat a été « permanent » dans cette affaire. Pourtant, les faits de ces derniers mois pourraient nourrir chez nombre d’entre nous la colère. Surtout face à l’absence de réaction des représentants de l’Etat  « justifiée au nom de la liberté d’expression ». Seul l’incendie de sa maison a semble-t-il engendré un début d’empathie du préfet qui l’a appelé depuis deux fois si on compte son coup de téléphone après l’annonce de sa démission sur les réseaux sociaux.

« Le fascisme a gagné du terrain »

Une placidité qui reflète surtout une grande lâcheté pour nombre de maires, dont les violences et incivilités à leur encontre ont augmenté de 32 % en 2022. « On minimise volontairement les actes racistes. On relativise les menaces envers les élus locaux dont les plaintes sont toujours classées sans suite. Et que ce soit pour menace de mort, viol ou calomnie », confirme dans la presse Laure-Line Inderbitzin, adjointe au maire de Callac (Côtes-d’Armor), où des manifestations d’extrême droite et des menaces envers les élus ont eu raison du projet d’accueil de réfugiés. D’ailleurs pour l’élue bretonne, l’incendie de la maison du maire de Saint-Brévin est la conséquence directe de l’abandon en janvier dernier du projet Horizon dans sa ville. « Ils se sentent forts. Ils ont gagné à Callac. Le fascisme a gagné du terrain », abonde Patrick Morcet, autre adjoint au maire de Callac.

« Honte pour la France »

A l’issue de son audition, saluée par une longue salve d’applaudissements, Yannick Morez a affirmé qu’il ne reviendrait pas sur sa décision. « Je vais quitter la France, je reviendrai peut-être. J’ai prévu de faire un long tour en bateau, aller au minimum jusqu’en Polynésie ». Alors pourquoi avoir accepté ce mercredi soir l’invitation de la Première ministre, Élisabeth Borne, qui espérait bien le faire changer d’avis ? « Si je peux terminer ma carrière politique en améliorant l’avenir des élus alors… ». « Effectivement, les paroles de Yannick Morez n’auront de sens que si on agit. On doit réagir. Face à la question du droit d’asile, il y a un racisme banal qui se développe à une très grande rapidité et qui est une honte pour la France. On ne peut rester passif devant ce qui est en train de se passer », estime le sénateur du Loiret Jean-Pierre Sueur (PS), peu surpris de l’absence de réponse des autorités dans ce type de dossiers.

Jean-Pierre Sueur, sénateur du Loiret. Photo Magcentre

Plus d’infos autrement sur Magcentre : La berceuse xénophobe du RN à Bélâbre (36) qui s’endort

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  1. A titre personnel, pour sa famille, pour soi, quand on est concerné, il est préférable de prendre toutes les mesures indispensables pour mettre sa famille et soi même, à l’abri des chiens hurlants que le système démocratique actuel autorise à s’exciter contre des cibles, élus, fonctionnaires au contact du grand public, au nom de la sacro-sainte liberté d’expression.

    Notre système actuel est paralysé par les valeurs démocratiques (que certains invoquent de façon opportune pour mal se comporter), dans la préservation, protection et soutien à ses soldats de la république qui sont pourtant au front pour servir les citoyens.

    Quand le capitaine d’un navire n’est plus en capacité de préserver le matelot, l’équipage se désagrège jusqu’à partir complètement.

    La préservation de ses personnels, quels que soient leurs statuts, devrait être l’un des socles de base, intangible de l’état.

    (comprendre les élus, mais également tous les fonctionnaires en frontal du grand public : personnel soignant, force de l’ordre, enseignants, … liste non limitative).

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