[Mag Dossier] Un an déjà… Crise sanitaire et confinement : un printemps 2020 pas comme les autres

Conseil régional Centre-Val de Loire, Conseil départemental du Loiret, Métropole d’Orléans… Ces différentes institutions ont dû réagir rapidement aux nouvelles contraintes imposées par le confinement avec deux défis majeurs : maintenir leurs missions de service public tout en respectant une nécessaire vie démocratique, et répondre à la crise sanitaire immédiate.

Printemps 2020, le confinement endort la métrople orléanaise. Photo Didier Depoorter

« Pour parler franchement, à l’époque, j’accueille cette annonce avec effroi », reconnaît Marc Gaudet, président centriste du Conseil départemental du Loiret. « On n’a jamais entendu concrètement parler de confinement, sauf à avoir fait de l’Histoire et s’être penché sur les épidémies de peste. Mais nous n’avons pas trop le droit d’afficher cette peur. Nous sommes élus en responsabilité face à une population qui dépend du fonctionnement des services ». Si, pour cet exploitant agricole, historien de formation, l’heure est grave, il dresse rapidement et rigoureusement un état des lieux. « Des services doivent continuer de fonctionner, comme celui des payes aux agents ou des services directs aux administrés, tels les services sociaux », insiste-t-il. « Au siège, mis à part la communication, le cabinet et la direction générale des services, les couloirs sont déserts ». Très vite, Marc Gaudet envoie un mail à ses collègues élus pour avancer les premières pistes de réflexion et les informations sur ses premières décisions. Elles tournent, notamment, autour de l’aide à la filière horticole durement impactée, mais aussi au respect de la sécurité sanitaire des agents. « Nous avons heureusement un énorme stock de masques datant de 2011 », se souvient le président. « Ils profitent à nos aides à domicile et aux personnels médicaux. C’est une décision que je prends avant d’en rendre compte aux autres élus, mais je sais alors qu’il y aura l’unanimité à ce propos ». Tout aussi prestement, une cellule logistique voit le jour et des liens réguliers de travail sont organisés avec la Région et la Préfecture. « Il faut prendre des décisions, rapidement, et les bonnes. C’est une période extrêmement éprouvante et stressante. Honnêtement, à ce moment là, je ne dors pas toutes les nuits », assure Marc Gaudet.

Fermeture des écoles

À Orléans, c’est un événement sanitaire qui, de suite, alerte le maire divers-droite Olivier Carré. « Quelques jours avant l’annonce présidentielle, nous avons un cas Covid à l’école Poincaré. Je comprends très vite, grâce à Stéphanie Rist (députée LREM et médecin, NDLR) et Olivier Boyer, directeur de l’hôpital, que la situation est grave », se souvient-il. D’autant plus qu’elle touche un personnel d’entretien en contact avec de nombreux enfants. Le maire et président de l’hôpital écrit alors au préfet pour obtenir la fermeture de l’école. Si le rectorat se montre sceptique, le préfet donne son feu vert. Pour rassurer les parents d’élèves qui doivent s’organiser dans l’urgence, un numéro dédié est mis en place avec le concours d’agents municipaux formés sur le tas. La veille de l’annonce martiale du président Macron, la ville d’Orléans possède donc déjà sa cellule d’urgence. « Les services recensent aussitôt les missions vitales pour la population et les personnels clefs », précise Olivier Carré. « Nous effectuons aussi un état des stocks de masques afin de protéger les agents en contact avec la population ». Mais aussi pour ne pas créer un effet de paranoïa qui aurait déclenché des droits de retrait en cascade, insiste l’ancien édile orléanais qui, à l’époque, sort d’un premier tour des municipales défavorable.

Confection de masques à Saint-Denis-en-Val, une démarche citoyenne et solidaire. Photo Didier Depoorter

La cellule d’urgence s’enrichit d’une écoute psychologique qui permet, par ricochet, de prendre le pouls de la population. Parallèlement, la vie démocratique se poursuit au travers d’une assemblée dématérialisée. « Nous choisissons la boucle Telegram avec des échanges de messages au moins quotidiens », explique Olivier Carré. Seuls Serge Grouard et son bras droit Florent Montillot refusent de rejoindre ce groupe. Ils sont engagés dans une reconquête de la ville et ne veulent surtout pas participer à une initiative qui mettrait l’ancien maire en avant. « Ce que je demande aux élus de tout bord, c’est de nous alerter sur ce qu’ils voient », rappelle l’ancien maire. « Nous activons le Plan bleu qui vise, en lien avec le centre communal d’action sociale, les personnes vulnérables que nous appelons une par une », insiste-t-il, soulignant lui aussi et comme beaucoup d’élus locaux, le rôle prépondérant du Préfet Pierre Pouëssel durant cette crise sanitaire majeure.

Des services sous tension

Au siège de la Région, situé à quelques dizaines de mètres de la mairie, les services se mettent en tension tout aussi rapidement. « Quelques jours avant l’annonce d’Emmanuel Macron, le Président François Bonneau joint Agnès Buzyn par téléphone. La future ancienne ministre de la Santé écourte la conversation expliquant qu’elle doit annoncer les deux premiers cas de Coronavirus sur le sol français », contextualise Alexandre Tinseau, directeur de cabinet du président socialiste de région. Les retours de terrain achèvent de leur faire prendre la mesure et la gravité des événements. Acteurs du tourisme, des lycées, des transports, de la santé, élus et présidents de groupes, collectivités voisines, Régions de France… Les temps d’échanges et de concertation se multiplient à vitesse grand-V, tandis que l’équipement des agents en ordinateurs portables, qui devaient s’étaler sur deux ans, est plié en quelques semaines. « Nous demandons rapidement à nos agents de rentrer tous les soirs avec leur ordinateur afin d’anticiper un possible confinement », explique Florence Peleau-Labigne, directrice générale des services (DGS). « Sur 750 agents présents au siège, seuls dix ne peuvent travailler en distanciel du fait de leurs missions ».

Au même moment, une lettre d’information est mise en place afin de conserver le lien entre la direction des services et les agents. Mais aussi entre les agents d’un même service et leur hiérarchie. Le but : éviter les décrochages et repérer les éventuelles situations critiques. Côté population, une plateforme de vente directe est mise en place pour soutenir la filière agricole et les pépiniéristes. Le maintien d’un service des transports s’organise. Comme à Orléans, une cellule de crise est installée. « Nous appliquons un circuit-court des décisions que personne ne nous reproche, car il faut être efficace », rapporte le directeur de cabinet. « Tous les agents mobilisés se sentent utiles et mesurent un peu plus l’importance du service public. Ils s’approprient les outils numériques et le partage collaboratif, tout en mesurant à quel point la Région est au cœur de tous les domaines ». Cet investissement va jusqu’à la fabrication de masques tissus par 150 agents du siège et des lycées. Une situation que l’on retrouve au Département et à la Métropole. « À ce moment, les barrières hiérarchiques sont modifiées, la solidarité prend une nouvelle dimension. Tous les agents deviennent égaux dans la mobilisation », se félicitent les deux cadres régionaux. Parmi eux, ceux de la direction des systèmes d’information (DSI) qui abandonnent littéralement leurs missions de développement pour assister les centaines d’agents placés en télétravail et auxquels ils doivent prodiguer des conseils techniques.

« Dans une telle période, il faut savoir trouver un équilibre entre une certaine fermeté et le fait que les gens ne pètent pas les plombs » – Olivier Carré

Quelles leçons tirent ces cadres, chef et président de collectivité de cette expérience forcée ? « Dans une telle période, il faut savoir trouver un équilibre entre une certaine fermeté et le fait que les gens ne pètent pas les plombs », pense Olivier Carré. « Il y a des points positifs, comme la prise en compte de la place du vélo, moyen de déplacement efficace face à la pandémie, mais aussi des performances de la médecine de ville et de l’hôpital quand on leur lâche la bride. On le voit notamment au travers de meilleurs relations public-privé ». L’ancien élu prévient cependant : « On ne pourra pas s’habituer à vivre derrière un écran. Du stade à la salle de spectacle en passant par le café, une ville ne se justifie que parce qu’elle met en commun. Mais je ne suis pas pessimiste. La crise a par exemple rapproché des liens distendus dans certaines familles. Des parents ont pris conscience que l’éducation n’était pas un produit de consommation classique. »

Olivier Carré pointe également les bonnes habitudes prises par les consommateurs, comme le succès des commerces de bouche de proximité ou celui des plateformes de e-market. Une position que semblent partager Florence Peleau-Labigne et Alexandre Tinseau. « Sur la question des transports, de la gestion des déchets et des achats responsables, notamment chez les jeunes, quelque chose de durable s’est peut être installé », avancent-ils. « L’utilisation des écrans à l’occasion du travail en distanciel et la charte de déconnexion qui nous avons mis en place, sont aussi des progrès pour les agents ».

Steven Badan avec son binôme est prêt pour sa tournée. Photo : dep. Loiret


Pour Marc Gaudet, cette période a mis en lumière la capacité des collectivités locales à réagir efficacement. « Dans une collectivité, on n’a pas l’inertie de l’État. Les communes ont été très agiles sur les territoires, ce qui constitue un sérieux atout pour l’État dans ses décisions face à la pandémie », pense-t-il. « Je prendrais comme exemples la création d’une réserve citoyenne d’agents qui ont effectué des missions de transports pour les Restos du Cœur et le transfert de jeunes et de personnels de la Maison de l’enfance vers le Domaine du Ciran afin de désengorger la structure orléanaise. Ça s’est fait très rapidement. Comme dans d’autres domaines, on a pris quelques risques, mais c’était pour le bien de la population. »

Mourad Guichard

 

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